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Boileau pour la définir convenablement. Elle est d’une innocence à attendrir les cœurs les plus durs. La mère en permettra la lecture à sa fille. On croyait les genres épuisés, il y en a ici un nouveau, c’est le genre niais. C’est là, en bien cherchant, tout ce qui se peut dire à propos de la Vierge mystique et de la Femme adultère, compositions candides tout-à-fait dignes des honneurs lithographiques comme leurs aînées. La Sainte Madeleine pénitente offre cependant encore des traces des qualités qui donnèrent quelque éclat aux débuts de M. Signol ; mais c’étaient alors des espérances, aujourd’hui ce sont des souvenirs, c’est-à-dire des regrets. Il y a une Madeleine plus maltraitée encore que celle-ci, c’est celle de M. Carbillet.

Une certaine analogie, sinon dans la manière, du moins dans le résultat, nous fera mentionner ici, en passant, un petit tableau de M. Henry Scheffer, Jésus-Christ chez Marthe et Marie. Le sentimentalisme et la sensiblerie, insipides partout, même dans le roman, sont insupportables dans la Bible. Ces sujets-là veulent un autre style que celui de la ballade. La peinture de M. Signol endort, celle-ci crispe. Nous ne choisirons pas.

M. Mottez s’est exercé sur le même sujet, mais plus en grand et sur un ton plus convenable. Dans un épisode de cette nature, où il n’y a pas proprement d’action déterminée et par conséquent pas d’intérêt dramatique, le peintre ne doit compter que sur lui-même et remplacer l’intérêt du sujet par celui de l’art. Sans y réussir complètement, M. Mottez s’en est pourtant tiré avec honneur. Sa figure de Marthe est pleine d’élégance ; mais le geste presque tragique de sa main droite étendue ne nous paraît pas suffisamment clair, s’il a une signification, et mal choisi, si ce n’est qu’une attitude. Marie, assise en face de Jésus, manque peut-être un peu de style. Comme il arrive souvent, la principale figure, celle de Jésus, se trouve être la moins bonne. Cette petite scène d’intérieur aurait peut-être gagné à être rendue dans de moindres proportions.

Les tableaux de sainteté qui tapissent chaque année les murs du salon carré, distinction qu’ils doivent sans doute, pour la plupart, autant à leur dimension qu’à leur valeur, ne sont guère regardés que par leurs auteurs ou par ceux qui, comme nous, sont obligés d’y jeter les yeux. À voir la profonde indifférence, l’absolue incuriosité du public à l’égard de ces malheureuses toiles, on dirait qu’il ne les considère que comme les pièces ordinaires de l’ameublement de la salle, trop souvent vues déjà pour exciter son attention. Il croit innocemment que ce sont toujours les mêmes. L’erreur