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LE SALON.

style proprement dit, mais non sans tournure ; l’expression de son mouvement est forte et pathétique. Il est à regretter cependant que cet effet ne soit obtenu qu’au travers d’incorrections d’autant plus fâcheuses qu’on est porté à se demander si toute cette originalité apparente ne consisterait pas, par hasard, dans ces inégalités et disproportions mêmes. Les autres figures ont moins d’importance et sont loin de valoir celle de Madeleine. L’homme à genoux, qui soutient la main droite du Christ, est tout-à-fait banal, et les parties nues de son bras sont d’un dessin plus que suspect. Nous avons déjà vu à une autre époque les deux bras en l’air de la figure du fond ; ils appartenaient alors à saint Symphorien. Considérée dans l’ensemble, cette composition pèche surtout par le défaut d’unité de pensée, de style, de manière. On cherche en vain à discerner à quelle école, à quel maître, à quelle tradition cette peinture se rattache ; il y a des velléités florentines, polonaises, allemandes, mêlées avec les plus flagrantes inspirations de la routine des ateliers ; elle n’est empruntée à personne, sans appartenir pour cela à l’auteur. On n’y voit que des disparates. Ce qui est vrai du style ne l’est pas moins de l’exécution et de la couleur. Il n’y a pas plus de parti pris sur ce point que sur tout le reste.

Cet effort prodigieux vers le grand et le sublime est louable en soi ; il témoigne dans l’artiste de nobles résolutions et d’un sentiment non vulgaire de l’art. Nous ne nous plaindrions même pas de le voir échouer devant les immenses difficultés de l’entreprise. Rien de plus commun que cet événement. La seule chose fâcheuse en ceci, c’est que cet effort se produise sous la forme d’une prétention, et avec une confiance telle dans le résultat, qu’on dirait qu’il s’agit de la chose la plus simple du monde, et qu’il n’y a, qu’on nous passe le terme, qu’à se baisser pour en prendre. Mais ce sommet de l’art où ce jeune artiste a la généreuse ambition d’atteindre, on n’y monte pas ainsi en courant ; il faut le gravir, et avec plus de peine et de sueurs qu’il ne paraît le croire. Ces places-là sont, comme il n’est permis à personne de l’ignorer, exclusivement réservées à quelques rares génies, auxquels en outre on ne les donne et qui ne les demandent que lorsqu’ils ne sont plus écoliers.

Des observations analogues pourraient s’appliquer à un autre tableau du même artiste, à ses Troyennes. Quant à cette insignifiante étude de la Toilette d’Esther, il n’a fallu évidemment rien moins que l’étonnante sécurité de l’auteur à l’endroit de ses ouvrages pour venir l’exposer au grand jour du salon. « Esther était très belle, dit le livret