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LE SALON.

Ce défaut n’est pas ignoré de la critique elle-même. Elle en a jusqu’à un certain point conscience. Elle sent qu’elle est loin de posséder pleinement son objet, que sa marche n’est ni bien sûre ni bien directe, et qu’elle manque d’autorité ; elle voit qu’il existe entre elle et les artistes une sorte de séparation qui rend les communications difficiles, et qu’elle a peu de chances d’être entendue et surtout écoutée. Ce sentiment secret d’insuffisance et de défaut d’autorité peut fort bien être une des causes du découragement dont la presse paraît frappée à l’endroit du salon.

Toutefois, et quoi qu’on puisse penser de ces explications, il importe de ne pas s’exagérer la gravité du fait, s’il existe. La critique ne peut pas, elle non plus, abdiquer. Si elle ne remplit pas d’une manière tout-à-fait satisfaisante certains côtés de sa mission, il lui reste toujours, par certains autres, une large et belle part d’influence. Elle éclaire peu sans doute, mais elle agite. C’est un moteur, sinon un flambeau. Elle est l’interprète des artistes auprès du public et l’interprète du public auprès des artistes, et entretient ainsi la vie de l’art lui-même. À tous ces titres, elle ne peut ni ne doit refuser son intervention. Elle ne doit pas surtout rendre l’art et le public responsables de ses dégoûts, et demander qu’on ferme le salon parce qu’elle s’y ennuie.

Du reste, la proposition si souvent reproduite de prolonger les intervalles des salons a des motifs très fondés. Il y aurait probablement des avantages à rendre les expositions biennales, mais biennales seulement. Si l’on devait aller plus loin, mieux vaudrait maintenir l’état actuel avec tous ses inconvéniens, et ne pas s’exposer à perdre les fruits d’une institution éminemment nationale, consacrée par le temps, et qui, dans les circonstances où se trouve l’art, est encore une des plus sûres garanties de son existence.

Passons maintenant à l’inventaire des produits que la nouvelle exposition, épurée par le jury, nous apporte. Il y en a, selon le livret, deux mille cent vingt et un. Il y en a, dit-on, à peu près autant de refusés. C’est, à une centaine près, au dedans et au dehors, le contingent de l’année dernière. On dirait qu’on fait ici comme au théâtre, où on ne donne plus de billets et on ferme la porte dès que tout est plein.

La haute peinture historique, à sujets sacrés ou profanes, ne manque pas de représentans au salon actuel. Quelques rares toiles méritent d’être distinguées. On voit sur plusieurs autres les marques