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REVUE. — CHRONIQUE.

pas à s’apercevoir qu’on peut tout oublier, les services rendus à la majorité comme la puissance du talent.

Mais ce danger ne serait que personnel, et les questions de personnes nous touchent peu. Des élections exagérées au profit des centres seraient en même temps un danger public. La force, lorsqu’elle est excessive, est rarement prudente et contenue : bientôt ce qui paraîtrait avoir élargi la base du pouvoir dans le parlement n’aurait fait que la rétrécir dans le pays. La base n’est large dans le pays que lorsqu’elle est formée par le rapprochement de nuances diverses. Rien de moins solide et de moins vrai comme représentation nationale qu’une chambre qui ne renfermerait que des hommes dont les opinions seraient absolument identiques. Ce sont là des vérités, des lieux communs, si l’on veut, sur lesquels le cabinet ne saurait assez méditer et dans l’intérêt général et dans son intérêt personnel.

N’oublions pas d’ailleurs que la session prochaine verra surgir de graves débats, que les chambres auront plus d’une question très difficile à résoudre. Cette espèce d’ajournement qui a été le mot d’ordre de la dernière session ne peut se continuer à la session prochaine. Le cabinet ne pourrait plus vivre de négations et de plaidoyers : il lui faudra agir, administrer, gouverner. Pour rappeler ici une seule question, comment ajourner encore celle de la liberté de l’enseignement, question cependant si délicate, si pleine de difficultés et de périls ? On l’a vu à la discussion du budget dans l’une et l’autre chambre : il y a parti pris ; on veut une solution, et, pour forcer en quelque sorte la main au gouvernement, on fait de la demande de la liberté de l’enseignement un moyen d’attaque contre l’Université. Certes l’Université a trouvé dans M. Villemain un habile et puissant défenseur. Nous avons déjà fait mention de ses discours à la chambre des députés. À la chambre des pairs, il a été plus brillant encore et plus éloquent. Sa vive parole jaillissait vigoureuse sous la violence des coups qu’on portait au grand établissement national qu’il dirige. En repoussant ces attaques, il a placé comme des jalons lumineux pour la future discussion. Cette discussion nous paraît désormais inévitable. Ajourner davantage la question, c’est l’envenimer. Les esprits finiraient par s’aigrir, et l’irritation serait un détestable conseiller dans l’un et l’autre sens.

Le projet des chemins de fer a obtenu l’approbation des deux chambres. Le succès a couronné les efforts de M. Teste. Une nouvelle tâche et non moins difficile commence maintenant pour lui. L’exécution de la loi demande à la fois une main ferme et un esprit conciliant. M. le ministre des travaux publics, placé entre les exigences et les jalousies des entrepreneurs officiels et les offres et les sollicitations des compagnies privées, saura, nous aimons à le croire, concilier ces deux forces, les contenir également dans de justes limites, et tirer de ce double concours tous les avantages que le pays a le droit d’en attendre.

L’Espagne se trouve dans une péripétie politique dont il est difficile de