Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/1015

Cette page a été validée par deux contributeurs.
1009
LES ANGLAIS DANS LE CABOUL.

gant. À mon départ, je voyais devant moi tout ce qui, dans l’antiquité et dans les temps modernes, peut exciter l’intérêt et enflammer l’imagination, la Bactriane, la Transoxane, le pays des Scythes et des Parthes, le Kharasm, le Koraçan et l’Iran. Nous avions vu tout cela ; nous avions refait la plus grande partie de la route des Macédoniens, traversé les royaumes de Porus et de Taxiles, navigué sur l’Hydaspe, passé le Caucase indien et résidé dans la célèbre ville de Balkh, d’où les monarques grecs, venus des académies lointaines de Corinthe et d’Athènes, avaient répandu parmi la race humaine la connaissance des arts et des sciences, de leur propre histoire et de celle du monde. Nous avions vu le théâtre des guerres d’Alexandre, des marches sauvages de Gengis et de Timour, et des campagnes de Baber, telles qu’elles sont racontées dans le style charmant et brillant de ses commentaires. Nous avions suivi la route par laquelle Alexandre avait poursuivi Darius, et suivi les traces de son amiral Néarque. »

Les observations recueillies dans cette vaste entreprise furent jugées de telle importance, que le gouverneur de l’Inde se hâta d’envoyer Burnes à Londres. Il arriva dans son pays précédé par le bruit de ses aventures, et reçut du roi et du gouvernement l’accueil le plus flatteur. Le libraire Murray lui donna 20,000 francs pour le manuscrit de son voyage, qui eut un succès extraordinaire. On en vendit dès le premier jour près de neuf cents exemplaires. Il fut immédiatement traduit en français et en allemand, et quand Burnes retourna à Caboul en 1837, il trouva que les émissaires russes avaient pris pour guide un exemplaire de la traduction française de son livre, qu’ils avaient avec eux.

Burnes reçut à Londres des honneurs publics. Il fut nommé membre de la Société asiatique, dont le président était alors le comte de Munster, fils naturel du roi Guillaume, et qui s’est fait sauter la cervelle à Londres il y a quelques mois. M. Alexandre de Humboldt écrivait à M. Murray (en français) : « Plus occupé de l’Asie que jamais, l’immense et courageux voyage de M. Burnes a dû fixer toute mon attention. Aucun autre ne répand par autopsie un plus grand jour sur des parties de l’Asie devenues inaccessibles depuis des siècles. Je me plairai à proclamer cet excellent jeune officier le premier des voyageurs qui ont parcouru l’intérieur d’un continent. Vous êtes heureux d’avoir donné à l’Asie, au-deçà de l’Indus, Elphinstone et Burnes. »

À cette époque, Burnes vint à Paris, et il écrivait à ses amis, le 23 décembre 1834 : « Ma réception à Paris a été pleine d’enthou-