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rence produite par la facilité de ses mouvemens ; une légèreté d’évolutions, fort différente de la légèreté d’attention et de jugement.

Les uns ne peuvent trouver d’activité que dans le repos, et les autres de repos que dans le mouvement.

Les esprits qui ne se reposent jamais sont sujets à beaucoup d’écarts.

Comme il y a des hommes qui ont plus de mémoire que de jugement, il y en a qui ont, en quelque sorte, plus de pensées que d’esprit ; aussi ne peuvent-ils ni les atteler ni les mener.

D’autres n’ont pas assez de pensées pour leur esprit : il dépérit d’ennui, s’il n’est égayé par des bagatelles.

D’autres enfin ont trop de pensées pour leur âge et pour leur santé, et elles les tourmentent.

Les uns se déclament leurs pensées, d’autres se les récitent, et d’autres se les chantent. Quelques-uns ne font que se les raconter, se les lire ou se les parler.

La raison est abeille, et l’on n’exige d’elle que son produit ; son utilité lui tient lieu de beauté.

Mais l’esprit n’est qu’un papillon, et un esprit sans agrément est comme un papillon sans couleurs : il ne cause aucun plaisir.

La nature a fait deux sortes d’esprits excellens : les uns pour produire de belles pensées ou de belles actions, et les autres pour les admirer.

On n’est jamais médiocre, quand on a beaucoup de bon sens et beaucoup de bons sentimens.

Il y a des esprits creux et sonores, où les pensées retentissent comme dans un instrument. Il en est d’autres dont la solidité est plane, et où la pensée la plus harmonieuse ne produit que l’effet d’un coup de marteau.

Les esprits délicats sont tous des esprits nés sublimes, qui n’ont pas pu prendre l’essor parce que ou des organes trop faibles, ou une santé trop variée, ou de trop molles habitudes, ont retenu leurs élans.

Se mêler des petits objets comme des grands, être propre et prêt aux uns comme aux autres, n’est pas faiblesse et petitesse, mais capacité et suffisance.

Les esprits pénétrans dépassent les préliminaires ; ils ne s’arrêtent pas sur le bord des questions et n’y arrêtent personne.