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JUGEMENS LITTÉRAIRES, PENSÉES ET CORRESPONDANCE.

traits qui représentent les divers sujets et les diverses manières de M. Joubert.

1o L’auteur peint par lui-même ; le titre seul en dit assez, et le chapitre initie à l’instant au secret de l’homme.

2o De la nature des esprits ; M. Joubert, moraliste spiritualiste par excellence, y démêle d’une manière piquante la qualité diverse des esprits ; il les classe avec netteté et relief ; il les nomme, et nul écrivain n’est plus habile que lui, dans sa synonymie ingénieuse, à trouver le nom difficile, le nom qui fuit, et qui, une fois attaché à son objet, restera. C’est un de ces chapitres de haute pratique morale, et qui viendrait bien à côté de ceux de La Bruyère sur les jugemens ou sur les ouvrages de l’esprit.

3o Qu’est-ce que la pudeur ? — charmante étude qui sait respecter son objet, même en faisant plus que l’effleurer. C’est l’œuvre d’un Platon subtil, ému, et qui a lu d’hier l’Imitation de Jésus-Christ.

4o Quelques jugemens littéraires : il sait être aussi neuf et aussi imprévu que possible, en nous entretenant profondément de Platon et de Fénelon ; il en parle comme fort parent de la famille.

5o Quelques lettres, aussi intéressantes par le sujet que par les noms qui s’y rattachent : les unes sont adressées à Mme de Beaumont, cette personne si distinguée, et qui réveille aussitôt l’idée d’un illustre attachement. Les autres sont à M. le comte Molé, qui, bien jeune alors et déjà sérieux, avait su conquérir le cœur et la plus haute estime de M. Joubert : on peut dire à leur honneur qu’ils s’étaient tous deux devinés.

Nous aimons à espérer que cette publication importante classera définitivement le moraliste critique à la suite et dans la famille, un peu trop interrompue, des La Bruyère et des Vauvenargue.


L’AUTEUR PEINT PAR LUI-MÊME.

J’ai donné mes fleurs et mon fruit : je ne suis plus qu’un tronc retentissant ; mais quiconque s’assied à mon ombre et m’entend, devient plus sage.

Je ressemble en beaucoup de choses au papillon : comme lui j’aime la lumière ; comme lui j’y brûle ma vie ; comme lui j’ai besoin, pour déployer mes ailes, que dans la société il fasse beau autour de moi, et que mon esprit s’y sente environné et comme pénétré d’une douce température, celle de l’indulgence ; j’ai besoin que les regards de la faveur luisent sur moi

Philantropie et repentir, est ma devise.