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ne nous ont jamais paru bien sincères. Henri IV, nouveau converti, disait avec une sorte d’énergique franchise : Paris vaut bien une messe. À une ou deux exceptions près, les nazaréens ont bien pu, sinon dire, du moins penser qu’une réputation de peintres originaux valait bien une nouvelle profession de foi.

L’histoire de cette conversion des peintres ultramontains, et tout le chapitre des Allemands à Rome, forment, avec la description des nouvelles collections de Munich et diverses notices sur les premières écoles italiennes, la meilleure partie du livre de M. H. Fortoul, celle où règne une critique saine et indépendante. M. Fortoul nous raconte d’une manière vive et naturelle l’histoire de ces apôtres de la nouvelle doctrine, depuis leur modeste établissement dans les ruines abandonnées d’un couvent de Rome, jusqu’au jour de leur triomphe et de leur glorieux retour dans leur patrie.

En remontant avec M. Fortoul à l’origine du mouvement néo-chrétien de l’école allemande moderne, nous la trouverons tout à la fois dans les influences que nous avons déjà signalées et dans un de ces caprices des faiseurs de collections, qui, par une simple tactique de spéculateurs, voulurent réveiller le goût blasé du public et substituer une mode à une autre, la mode de l’altdeutsch et du giottesque à celle du style grec et du style composite italien que Mengs et l’école de David d’une part, de l’autre le Bernin, Battoni et Appiani, avaient poussés à leurs plus extrêmes conséquences.

Les frères Boisserée (Sulpice et Melchior) furent donc aussi de véritables résurrectionnistes. La collection des vieux maîtres allemands qu’ils avaient mis tous leurs soins à rassembler et ensuite à populariser, exerça sur l’imagination des artistes contemporains une immense influence, et tourna de ce côté tout nouveau leurs études. M. Solly, arrivant avec la riche moisson de tableaux des maîtres primitifs qu’il avait recueillis en Italie, acheva ce que les frères Boisserée avaient commencé. Dans le principe, cette passion pour les écoles archaïques fut aveugle. Des amateurs sans discernement achetèrent tout ce qui était vieux, la date à leurs yeux établissant seule le mérite d’un tableau ; des artistes sans goût étudièrent tout ce qui ne dépassait pas la première époque, comme si chacun des peintres des écoles primitives avait eu nécessairement du talent. Vers 1816, les Italiens, exhumant à l’envi de leurs greniers de vieux rebuts de collections poudreux et vermoulus, disaient, avec cette bonhomie railleuse qui leur est propre : Questa robba farrebe figura in Germania.