Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/932

Cette page a été validée par deux contributeurs.
922
REVUE DES DEUX MONDES.

le principe et le vivant commentaire de ceux des Schwanthaler, des Zimmermann et des Hess, les peintres du panthéisme, comme ceux-là en sont les poètes et les docteurs ; nous sommes cette fois tout-à-fait de l’avis de M. Fortoul. Mais cette vérité, qu’il proclame à la louange des artistes, nous paraît à nous un motif de blâme. La seule application raisonnable du panthéisme à la peinture et à la sculpture, à l’art en un mot, a été faite il y a deux mille ans par les Phidias, les Apelles, et par toute la brillante génération des artistes grecs. Le panthéisme, chez eux, n’était qu’une poétique union de la forme et de la pensée, et non une explication de la pensée par la forme. Ces grands artistes recouvraient d’images palpables, naturelles et d’une incomparable beauté, les riantes fictions des poètes dont ils reproduisaient, à l’aide du marbre ou du pinceau, les personnifications symboliques. Ces dieux dont ils peuplaient leurs temples avaient des formes consacrées, des intérêts humains et des passions toutes physiques ; leurs attributs, toujours les mêmes et faciles à saisir, frappaient vivement la foule, qui voyait en eux des êtres d’une nature supérieure, mais avec lesquels elle pouvait néanmoins sympathiser. Protecteurs de ses faiblesses, complices de ses passions, ils plaisaient autant à ses sens qu’à son intelligence, tandis que ces abstractions que les panthéistes allemands ont tenté de traduire et de populariser à l’aide d’obscurs symboles, difficilement compris par un petit nombre d’initiés, ne parlent que confusément à l’intelligence et ne s’adressent jamais aux sens.

C’est là leur gloire, leur titre suprême aux suffrages des esprits d’élite, aux sympathies de la haute critique, s’écrieront d’aveugles adeptes, de fanatiques admirateurs. Nous apprécions à toute leur valeur l’élévation de la pensée, la noblesse et la recherche savante du style, mais la solennité prétentieuse, le grandiose ampoulé, la pensée qui s’isole trop complètement par l’abstraction, nous laissent froids et sans émotion ; le peintre qui sacrifie absolument la forme et la couleur à la pensée, au lieu d’être à la fois le modeleur et le coloriste de l’idée et l’esclave de la forme, ne sera jamais qu’un artiste d’un ordre secondaire. La peinture, ce moyen par excellence d’émouvoir l’homme par la reproduction parfaite et choisie de la forme, doit parler autant aux sens qu’à l’esprit, dût-elle être ensuite accusée de matérialisme ; le culte de la forme ne peut jamais être indépendant du culte de la matière, l’un ne pouvant exister sans l’autre.

Ce système panthéo-spiritualiste des Allemands, bien différent de l’idéal du siècle précédent, de cet idéal prêché si éloquemment par