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L’ART MODERNE EN ALLEMAGNE.

âges suivans n’a pas modifiées la révélation la plus curieuse de ce style de transition que l’on a appelé byzantin ; produit trop vanté d’une civilisation avancée et cependant incomplète, où la bizarrerie a remplacé la grace, la fantaisie la règle, la richesse la correction, où la rudesse tient lieu de la force et l’esprit du génie. Ce style n’est, après tout, que le style d’une époque de décadence ; croirait-on que ce soit le modèle que les disciples les plus avancés de la nouvelle école allemande, architectes ou peintres, se sont proposé d’imiter de préférence à tout autre ?

Un des principaux ornemens de la basilique vénitienne, c’est la fameuse mosaïque du maître-autel appelée la Pala d’Oro. Cette mosaïque, ouvrage de peintres byzantins qui travaillaient à Venise vers le milieu du Xe siècle, offre une suite de compartimens représentant les principales scènes de l’ancien et du nouveau Testament, ou retraçant les évènemens les plus saillans de la vie de saint Marc, des apôtres et des prophètes. Chacun de ces tableaux est accompagné de légendes grecques et latines demi-barbares. Leur aspect est étrange et, il faut le dire, repoussant ; on croirait voir des peintures sur verre collées contre un mur, c’est-à-dire dépouillées de leur transparence et de leur éclat. Que de fois cependant avons-nous vu ces jeunes peintres allemands, adeptes exaltés de la nouvelle école, se grouper devant ces mosaïques, copier jusqu’à leur coloris à demi effacé, et pousser le fanatisme de l’imitation jusqu’à reproduire dans leurs tableaux ces imperfections matérielles !

La composition de chacun des sujets de cette grande mosaïque, pris isolément, ne manque pas d’une certaine vigueur naïve. Leur ensemble a de la grandeur. Les poses traditionnelles et hiératiques des principaux personnages des diverses légendes sont remplies d’une rude et sauvage majesté. Mais quelle bizarrerie dans la disposition des groupes ! quelle incorrection dans les détails de forme ! quelle sécheresse dans le dessin, où toutes les règles de la perspective linéaire sont mises en oubli ! quelle grossièreté dans l’ensemble ! La distance de ces mosaïques, chefs-d’œuvre de l’art byzantin, aux mosaïques grecques de Pompeï est immense. Les procédés peuvent être les mêmes, les résultats sont différens. L’art, arrivé chez les Grecs à la plus haute perfection, est retourné à son enfance.

L’art byzantin, en effet, n’est que le produit d’une décadence à laquelle une nouvelle idée religieuse a imposé un caractère de mystique originalité bien différent du symbolisme antique. Sous l’in-