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L’ART MODERNE EN ALLEMAGNE.

l’école allemande manquât essentiellement de ce caractère d’originalité et de mysticisme que depuis elle a surtout affecté, quoique ses artistes imitassent docilement les artistes en vogue de Paris et de Rome, David ou Camuccini, elle prévoyait qu’une réaction était prochaine, elle devinait le caractère de cette réaction, et cherchait à prévenir ses excès. Comme elle avait blâmé Goethe apôtre de l’art antique, déclarant impossible le succès des tentatives mythologiques qu’il provoquait, elle condamnait les écrivains qui proclamaient dès-lors le christianisme comme la source unique du génie des modernes. « Peut-être ne sommes-nous capables, en fait de beaux-arts, ni d’être chrétiens ni d’être païens, s’écriait-elle ; ni l’art ni la nature ne se répètent. Ce qu’il importe seulement, dans le silence actuel du talent, c’est de détruire le mépris qu’on a voulu jeter sur toutes les conceptions du moyen-âge. »

Au lieu d’écouter ces conseils, dictés tout à la fois par le bon sens et par le génie, l’école nouvelle qui allait succéder à l’école grecque ne devait pas tarder à substituer à ce respect éclairé pour le génie du moyen-âge l’imitation aveugle des merveilleux monumens qu’il nous a laissés. Tout s’accordait, il est vrai, pour précipiter cette révolution et pour appeler sous les drapeaux de la réaction une nouvelle génération d’artistes. Le triomphe définitif de l’école littéraire romantique, l’influence irrésistible de ses doctrines, qui devait nécessairement s’étendre jusque sur les beaux-arts, le goût des anciens tableaux provoqué par de nouvelles études, qui se réveillait d’une façon si imprévue, et qui, dans les premières années de la paix, s’était répandu dans toute l’Allemagne, l’abus même que venait de faire l’école précédente du style des écoles italiennes postérieures aux Carraches et du style mythologique de l’école française, alors dominante, toutes ces causes se réunissaient pour déterminer une jeunesse naturellement enthousiaste, opposée de sentimens et d’intérêt à tout ce qui venait du dehors, et que l’esprit de nationalité exalté jusqu’au fanatisme soulevait d’ailleurs contre la France impériale, à s’ouvrir un chemin, qu’elle croyait nouveau, vers des régions de l’art qui, depuis des siècles, n’avaient pas été explorées.

Malheureusement cette révolution, dont le but était glorieux et légitime (il s’agissait de secouer le joug de l’imitation et l’autorité des écoles étrangères), cette révolution se laissa détourner de son objet par les influences qui l’avaient provoquée, mais qu’elle aurait dû dominer. Les artistes de l’école qui se proclamait nouvelle man-