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avait appris la langue grecque. Par amour pour les poètes d’Athènes, le farouche Sylla l’avait épargnée. Athènes, c’était la ville des merveilles, des émotions, des passions, des chefs-d’œuvre de tout genre. C’était une immense école incessamment ouverte à toutes les intelligences d’élite ; elle devait ressembler quelque peu pour la science, pour l’urbanité, pour l’élégance, pour le beau langage, pour la liberté, pour le marbre et pour l’airain, pour les tableaux et pour les jeux de l’esprit, à l’admirable Florence de Dante et de Michel-Ange. — Nul n’était sûr de lui-même qui, jeune homme, n’avait pas passé par Athènes. Celui-là ignorait toute sa vie l’urbanité et l’atticisme, deux mots inventés par Cicéron lui-même, qui avait été deux fois l’hôte reconnaissant et très aimé de la cité de Minerve. Cicéron était un rhéteur grec des plus beaux temps de la Grèce dont la chose romaine s’était emparée, — beau génie, — limpide esprit, — rare courage, — rare courage, en effet, chez cet homme, qui, à force d’esprit, trouva sa place parmi les plus braves d’une époque de batailles sans limites et de guerres civiles, d’une époque qui compta Pompée, César et Marc-Antoine parmi ses héros.

Vous pensez si le fils de l’affranchi, l’enfant parti des confins de la Lucanie, se trouva quelque peu ébloui par l’éloquence et par l’éclat de la ville d’Athènes. Il arrivait à ce jeune homme ce qui nous est arrivé à nous tous dans nos études ; pauvre et seul, il marchait l’égal des mieux entourés et des plus riches. En quittant Rome, il avait dit adieu à un sien camarade, nommé Virgile, dont vous entendrez parler plus tard ; une fois à Athènes, notre écolier se vit mêlé avec les plus grands noms de la république. Déjà se révélait, non pas son génie, mais sa grace ingénieuse, sa douce gaieté, son bon goût, sa belle humeur, son art de plaire, ses heureuses passions, son aimable scepticisme. Ses condisciples, et ces condisciples-là s’appelaient Bibulus, Messala, Cicéron, fils plus ou moins dignes de leurs pères, ne pouvaient pas déjà se passer de la société de ce bon camarade, si rempli de vives et admirables saillies ; ses maîtres étaient fiers de cette heureuse intelligence. D’un coup d’œil net et sûr, notre étudiant eut bien vite deviné le fort et le faible de la philosophie grecque, qui était à bout de toute espèce d’enseignement. — Écoles sans nombre, — systèmes qui se détruisent l’un l’autre ; — ici Épicure, qui vous conduit à la sagesse par le plaisir ; — plus loin, les stoïciens, qui niaient que la douleur même fût un mal ; — plus loin encore, les partisans de Platon proclamant l’éternité et l’unité divines, saine doctrine qui avait eu ses martyrs. — En même temps arrivait le sceptique, qui disait : Je