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ANCIENS POÈTES FRANÇAIS.

existence, si on n’en rassemble tous les détails et si on ne la déroule dans son entier.

Philippe Desportes (ou plutôt Des Portes, comme on l’écrivait au XVIe siècle) naquit à Chartres, en 1546, de Philippe Desportes, bourgeois de cette ville, et de Marie Édeline. Dreux du Radier, dans un intéressant article que je citerai souvent[1], s’attache fort à prouver que Desportes ne fut pas enfant naturel comme les savans auteurs du Gallia christiana l’avaient dit en un endroit par mégarde (tome VIII, p. 1268), et comme le furent très honorablement d’ailleurs, en leur temps, Baïf et Mellin de Saint-Gelais. Il démontre la légitimité de naissance du poète avec un grand surcroît de preuves et en lui rendant tout le cortége nombreux de sa parenté authentique. Thibaut Desportes, sieur de Bevilliers, grand audiencier de France, était son frère et devint son héritier. Mathurin Regnier était son neveu avéré du côté maternel, et il ressemblait à son oncle, dit-on, non-seulement d’esprit, mais aussi de visage. Dans une assez belle élégie latine de Nicolas Rapin, où celui-ci contemple en songe et nous représente les funérailles idéales de Desportes, on voit ce frère et ce neveu menant le deuil et fondant en larmes à la tête des proches qui suivent à pas lents :

Tum procedebant agnati et sanguine juncti.

Il n’y a rien en tout cela qui sente le bâtard. Desportes en eut, mais il ne l’était pas[2].

Tallemant des Réaux, dans un autre curieux article (Historiettes, tome I), et qu’il faut croiser avec celui de Du Radier, donne quelques détails, trop peu certains, sur les premières années et les aventures du jeune Philippe. D’abord clerc de procureur, puis secrétaire d’évêque, il va de Paris en Avignon, il voyage en Italie : il rapporta

  1. Il faut l’aller chercher dans le Conservateur, ou Collection de morceaux rares… (septembre 1757). Il vient un moment où ces morceaux enterrés ainsi en d’anciens recueils sont presque introuvables.
  2. Dreux du Radier, au moment où il redresse l’inadvertance des auteurs du Gallia christiana, en a commis lui-même une assez piquante et singulière. Dans l’élégie latine de Rapin, le frère de Desportes est ainsi désigné :

    Primus ibi frater lentè Beuterius ibat

    Du Radier découvre là un second frère de Desportes, qu’il appelle M. de Beutière. Mais Niceron et Goujet disent positivement que Desportes n’eut qu’un frère unique, M. de Bevilliers ; et si en effet, au lieu de Beuterius, on lit Beulerius, on retrouve ce Bevilliers en personne. Une faute d’impression avait déguisé l’identité.