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aucune envie de mettre un abîme entre sa politique extérieure et celle de ses prédécesseurs. Il veut, comme eux, une politique utile, pratique, tout anglaise, une politique qui ne perd jamais de vue le but, c’est-à-dire l’influence de l’Angleterre, et qui n’est pas difficile sur les moyens.

Chez nous, au contraire il n’est pas de ministère qui, en prenant les affaires, ne se croie appelé à sauver le pays à l’intérieur et à l’extérieur. Il est toujours convenu, à chaque crise ministérielle, que la France aurait été perdue, si elle fut restée quinze jours encore sous la direction du ministère qui vient de tomber ; et, il faut le dire, il ne manque pas de bonnes gens qui le croient, et qui, dans leur zèle, accourent tout haletans pour aider les ministres à sauver la patrie. À toute rénovation ministérielle, on dit presque les mêmes choses, on énonce les mêmes prétentions. Aussi, chaque cabinet, pour être d’accord avec lui-même, doit-il agir ou paraître agir autrement que ne l’a fait le précédent cabinet ; à l’extérieur comme à l’intérieur. Que pourrions-nous faire, que pourrions-nous dire du moins (on se paie quelquefois de mots), qui n’ait pas été fait, qui n’ait pas été dit par nos prédécesseurs ? C’est là la question que s’adresse tout cabinet nouveau. Le mot est consacré : il faut un programme.

Les conséquences de ces faits ne laissent pas d’être graves et sérieuses. Il est aisé de les déduire. Pour en signaler une seule, c’est à cause de ces faits que la tribune législative s’empare si souvent, chez nous, des discussions diplomatiques les plus épineuses. Nous avons toujours sur chaque point deux ou trois systèmes à défendre, à comparer. Les faits accomplis, comme les faits qui sont encore pendans, deviennent également un sujet de discussion publique, et nos hommes d’état, jetés, bon gré mal gré, dans cette arène, parviennent difficilement à garder la mesure que commanderait l’intérêt du pays. Cette diplomatie de tribune peut être sans doute fort brillante ; est-elle également habile dans sa conduite, utile par ses résultats ? Il est permis d’en douter.

Quoi qu’il en soit, une question diplomatique des plus délicates a été traitée, aujourd’hui même, à la chambre des députés. M. Mauguin a interpellé le cabinet sur le traité relatif au droit de visite. M. le ministre des affaires étrangères a répété que le vœu de la chambre était un fait grave que le gouvernement devait prendre en sérieuse considération. Il a dit que la couronne, sur l’avis du cabinet et en particulier sur celui du ministre des affaires étrangères, a donné l’ordre de déclarer qu’elle ne ratifierait pas le traité dans ce moment ; que des modifications avaient été demandées ; que, sans témoigner de répugnance pour ces modifications, on ne les avait cependant pas accueillies ; que tout porte à croire que dans un terme qu’on ne peut fixer, la question pourra être résolue d’une manière satisfaisante : qu’au surplus il ne pouvait entrer dans aucun détail sur une affaire pendante et dont la négociation était suivie.

Nous avons jeté les yeux sur le traité ; les journaux quotidiens en donnent