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LETTRES DE CHINE.

tique étrangère, des questions complexes et des problèmes qui sont trop souvent impossibles à résoudre. Nous voulons toujours mêler la question intérieure à la question extérieure ; nous avons la prétention de vouloir toujours être conséquens, logiques et complets. Sommes-nous en révolution ? nous n’inclinons à l’extérieur que pour les révolutions. Sommes-nous au contraire appliqués chez nous à l’œuvre de la résistance ? toute révolution à l’extérieur nous déplaît ; elle est suspecte à notre politique et blesse nos idées ; tous les conservateurs des quatre parties du monde ne tardent pas alors à s’apercevoir qu’ils peuvent compter sur nous, sur nos sympathies du moins.

Cette politique complexe et par cela même embarrassée, faible souvent et incertaine, s’explique sans doute en partie et se justifie par notre situation continentale, par un contact plus intime avec les pays qui nous entourent, par la vivacité intelligente et mobile de la nation, et enfin par la jeunesse, si j’osais parler ainsi, de nos institutions. Par toutes ces circonstances, nos hommes de gouvernement sont facilement accessibles aux inquiétudes et aux soupçons : ils craignent ces contre-coups que l’Angleterre ne redoute pas, ils redoutent la contagion de l’exemple pour nos esprits toujours libres et toujours ouverts. Mais, quelle que soit la valeur de ces causes, ce n’est pas à elles seulement qu’il faut attribuer le caractère particulier de notre politique. La logique et l’esprit de système y entrent aussi pour une bonne part. Nous tenons à être conséquens, à le paraître du moins. L’unité, ce principe qui, appliqué à notre organisation sociale et politique, fait la force et la gloire de la France, nous voudrions le retrouver dans toutes choses, l’appliquer à tous et pour tout ; il domine notre pensée, quels que soient d’ailleurs le sujet de nos méditations et le but de nos efforts. Aussi, voulons-nous que notre action politique ressemble en quelque sorte à nos actions dramatiques : nous voulons être classiques partout. L’Angleterre se contente d’une politique à l’instar des drames de Shakspeare, d’une politique pleine de variétés, de disparates de contradictions apparentes, et qui ne manque cependant pas d’unité, car elle a l’unité d’intérêt ; tout lui est moyen pour la grandeur et la prospérité de l’Angleterre. Chez nous, la logique peut sans doute être satisfaite : la politique l’est-elle au même degré ? Nous sommes plus habiles en théorie ; sommes-nous plus heureux pour les résultats ? La politique anglaise est toujours nationale ; la nôtre l’a-t-elle toujours été ?

Voyez ce qui se passe en Angleterre et en France lors d’un changement de ministère. En Angleterre, le parti qui arrive aux affaires y a presque toujours été porté par une victoire sur une question intérieure : en ce qui concerne la politique extérieure, à peine peut-on s’apercevoir du changement. Lord Melbourne, lord Aberdeen, lord Palmerston et sir Robert Peel, qu’importe ? Ces hommes d’état, en se succédant les uns aux autres, ont-ils changé de conduite politique en Portugal, en Espagne, en Grèce, à Constantinople ? Nullement. Le langage et les formes ont pu se modifier quelque peu ; la politique au fond est restée la même, et la conduite aussi. Lord Aberdeen n’a