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LETTRES DE CHINE.

D’ailleurs la situation du gouvernement espagnol est difficile, et toute nouvelle complication est pour lui une cause légitime d’inquiétude. L’hostilité réciproque des partis devient tous les jours plus acharnée et plus implacable en Espagne. Ils ne cherchent qu’à s’entre-détruire, et c’est avec peine que le gouvernement parvient à maintenir l’ordre matériel dans un pays dont les finances sont délabrées, dont l’administration est affaiblie, et où les assemblées politiques ne sont que des arènes toujours ouvertes à de violens combats. Les partis s’agitent, en Espagne, par le travail des sociétés secrètes, à l’étranger par les conciliabules et les menées de l’émigration. Ajoutez les passions ardentes et opposées de plus d’une province, en particulier des provinces basques et de la Catalogne, le mécontentement des officiers licenciés et la toute-puissance de l’armée dans un pays ainsi divisé, et vous conviendrez sans peine que le régent se trouve chargé d’un lourd fardeau. Il le porte cependant avec une sorte d’aisance ; il fait preuve de courage et même d’habileté. Il est certain du moins qu’il ne méconnaît pas les dangers divers dont l’Espagne est menacée par la violence des partis qui la déchirent ; il ne se fait pas d’illusion sur la situation du pays ; il est intelligent et assez actif. Enfant de la révolution, il ne la répudie pas, il ne refuse pas, il ne peut pas refuser de la suivre dans la carrière qu’elle lui a ouverte ; mais il s’efforce de ne pas précipiter sa course et d’en conserver la direction. Il fait ce qu’il peut pour que les rênes du gouvernement n’échappent pas de ses mains ; à l’intérieur et à l’extérieur, il surveille activement les menées des partis. Il insiste auprès des gouvernemens amis, pour en obtenir cet appui moral et indirect qui est dû en effet à tout gouvernement régulier et reconnu. Cet appui, il l’obtient. En France, le gouvernement a fait interner les émigrés espagnols dont la présence aux frontières pouvait être une cause légitime d’alarmes. Nous espérons que notre ministère ne ralentira pas ces mesures de bon voisinage. Quels que soient les incidens diplomatiques qui ont eu lieu entre le gouvernement espagnol et le nôtre, ils ne sont pas de nature à altérer, pour le fond, les relations amicales des deux pays. M. le ministre des affaires étrangères l’a dit à la tribune dans un discours dont il serait difficile de perdre le souvenir. Nous ne demandons que la réalisation des idées qu’il a émises à ce sujet ; rien de plus, rien de moins.

En Angleterre, le ministère, par l’organe de sir Robert Peel, s’est empressé d’ôter toute inquiétude au gouvernement espagnol. Le discours du ministre anglais a été d’autant plus significatif et remarquable, qu’il est le fait d’un cabinet conservateur. C’était dire au gouvernement espagnol, au régent : — Rassurez-vous ; les évènemens du Portugal ne doivent pas vous alarmer ; la contre-révolution de Lisbonne n’est point le signal d’une croisade contre la révolution espagnole ; la contre-révolution sur les bords du Tage, la révolution sur les bords du Mançanarès, peuvent coexister en paix. Si nous sommes les partisans de la contre-révolution en Portugal, c’est de la révolution que nous sommes les amis, les alliés en Espagne.