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fléau au moyen duquel les autorités chinoises pouvaient, en moins de trois jours, désoler la ville.

La proclamation du taou-tou annonçait que des troupes allaient arriver à Macao, afin de saisir tous les Anglais qui y seraient encore. Dans ces circonstances, le capitaine Smith, de la corvette la Volage, crut devoir faire entrer dans le port intérieur de Macao la corvette la Hyacinthe. C’était violer la neutralité de l’établissement portugais, c’était s’exposer en même temps à des dangers très graves ; l’établissement de Macao n’appartient pas de droit au Portugal, qui le tient de la Chine par une espèce de bail qui a ses exceptions et ses conditions ; ainsi le port intérieur de Macao est fermé à tous les pavillons étrangers. Les navires portugais seuls, et les navires espagnols de Manille, ont le droit d’y entrer ; d’un autre côté, la population et les autorités y sont mixtes ; les Chinois de Macao sont gouvernés par leurs propres mandarins. C’est à eux qu’appartient le sol, et cette possession est aussi peu équivoque que possible, car ce sont eux qui nourrissent la population de Macao. Les deux ou trois milles qui forment le territoire de l’établissement portugais ne produisent absolument rien ; toutes les provisions viennent de l’intérieur, et il suffirait d’un mot du vice-roi de la province pour que la porte de la barrière chinoise qui sert de limite infranchissable aux promenades des Européens fût à jamais fermée.

Le gouverneur de Macao sentit toutes les conséquences que l’entrée d’un navire ennemi de la Chine pouvait avoir ; il revendiqua avec énergie et dignité les droits de sa nation ; il protesta contre la mesure prise par le capitaine Smith. Cette protestation fut rédigée par le sénat en séance solennelle. Le lendemain, la Hyacinthe sortit du port de Macao, et le capitaine Smith écrivit au gouverneur qu’il espérait que, si la vie des Anglais était menacée par l’approche des troupes chinoises, le représentant de sa majesté très fidèle saurait déployer, pour les arrêter, autant d’énergie qu’il en avait montré contre l’entrée dans le port d’une corvette anglaise.

À la fin de février, quelques brûlots furent lancés par les Chinois contre la flotte de navires marchands anglais, dans la baie de Tong-koo ; mais ces essais, mal dirigés, ne produisirent d’autre résultat que d’éveiller la vigilance des capitaines et de rendre le succès d’une nouvelle tentative plus improbable encore. La ville de Macao était en même temps infestée d’une foule de Chinois vagabonds ; des vols nombreux étaient commis chaque jour. L’attitude des troupes chinoises devint aussi plus hostile ; plusieurs jonques de guerre, remplies de troupes, jetèrent l’ancre dans le port intérieur de Macao, et tout fit craindre une attaque prochaine.

En mars, le commerce de Macao, qui avait été arrêté par ordre du gouvernement chinois, parce que quelques négocians anglais avaient reçu asile dans cette ville, fut rouvert, le procurador de Macao ayant manifesté le repentir des autorités portugaises et leur ferme résolution de ne plus permettre aux Anglais d’entrer et de résider à Macao.

Dans le même mois, on apprit à Macao la mort de l’impératrice de la