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rent un peu plus de liberté ; enfin, le 12 mai, la permission de s’éloigner du théâtre de leurs souffrances fut accordée aux seize prisonniers, avec l’injonction formelle de quitter la Chine immédiatement.

Le 19 mai, M. Elliot, qui, du reste, n’avait pas voulu quitter Canton avant que le dernier de ses compatriotes s’en fût éloigné, publia une proclamation par laquelle il enjoignait à tous navires anglais, destinés pour Canton, de ne pas s’approcher de ce port ; il recommandait à tous les capitaines, subrécargues, pilotes et autres, d’obéir à cet ordre. En y manquant, ils mettaient, disait-il, en danger la vie, la liberté et la propriété des sujets anglais, ainsi que les intérêts de la couronne, et compromettraient la justice de leurs réclamations à venir. M. Elliot prévenait, en outre, les capitaines, subrécargues et pilotes, que toutes réclamations faites pour dommages soufferts en désobéissance à son ordre seraient repoussées par le gouvernement de sa majesté britannique. M. Elliot pensait, sans doute, que, dans la situation actuelle des affaires, toute relation commerciale ou politique avec le gouvernement chinois devait cesser, jusqu’à réception d’ordres ultérieurs du gouvernement anglais. Il ne songeait pas que le premier intérêt de l’Angleterre est son commerce, et que cette mesure, toute justifiable qu’elle fût dans la circonstance où elle était prise, allait porter à ce grand intérêt national un coup sensible, en mettant, pour un temps plus ou moins long, entre les mains des Américains et des autres nations neutres, l’immense mouvement d’affaires anglaises qui, dans cette saison surtout, se portent vers la Chine.

Enfin, le 23 mai, M. Elliot annonça publiquement qu’il quitterait Canton le lendemain, à 11 heures du matin, engageant à partir avec lui les personnes qui avaient été retenues jusqu’alors par les ordres du gouvernement chinois.

Avant de s’éloigner, les marchands anglais rédigèrent une adresse qui fut envoyée à lord Palmerston ; ils rendaient compte au ministre des affaires étrangères des évènemens qui venaient d’avoir lieu, demandant, pour le commerce anglais en Chine, la haute protection du gouvernement. Cette adresse se terminait ainsi :

« En résumé, il ne nous reste qu’à faire sentir à votre excellence et au gouvernement de sa majesté combien il est important que la justice de nos réclamations au sujet de l’opium que nous avons livré pour le service de sa majesté, soit immédiatement reconnue, et la nécessité absolue et pressante d’asseoir le commerce général des sujets anglais en Chine sur des bases sûres et permanentes. »

Le 4 juin, les 20,283 caisses d’opium, livrées par le surintendant anglais, furent vidées dans une immense fosse et mêlées avec de la chaux vive, sous les yeux de Lin, du gouverneur et du sous-gouverneur de Canton et des principales autorités. En ce jour fut consumée une valeur de 12 à 15 millions de francs de propriété anglaise.

La conduite de Lin fut hautement approuvée à Pékin : il fut nommé gouverneur des deux provinces Cheekeang et Keang-lee, le gouvernement le plus important de l’empire après celui du Pechele, dans la circonscription