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LETTRES DE CHINE.

n’avaient jamais été engagés dans le commerce de l’opium ; il leur répondit qu’il reconnaissait la justice de leur réclamation, mais qu’il ne pouvait, pour une ou deux exceptions, compromettre le résultat d’une mesure générale aussi importante ; que ceux qui n’étaient pas coupables devaient employer tous leurs efforts pour persuader aux autres que l’obéissance était devenue un devoir.

En même temps que le gouvernement chinois châtiait avec tant de sévérité les trafiquans d’opium, il cherchait à assurer dans l’avenir la cessation de ce commerce ; il exigeait que les étrangers signassent le contrat dont j’ai parlé, et par lequel ils s’engageaient, sous des peines sévères, à empêcher l’importation de l’opium en Chine. Les consuls américain et hollandais furent appelés devant le kwang-choo-foo (préfet de Canton), qui mit en œuvre toutes les ruses que peut fournir le langage (et Dieu sait que les Chinois pratiquent ces ruses avec une supériorité rare) pour obtenir qu’ils signassent l’engagement, au nom de leurs concitoyens ; mais les consuls résistèrent courageusement aux insinuations comme aux menaces, alléguant qu’il n’était pas en leur pouvoir d’engager à un aussi haut degré la responsabilité de leurs concitoyens.

Déjà, le 27 mars, la corporation anglaise avait fait connaître au commissaire impérial sa résolution de se conformer aux ordres du gouvernement chinois ; elle s’était solennellement engagée à ne plus faire le commerce d’opium et à renoncer à toute tentative pour l’introduire en Chine.

Enfin, M. Johnston, second surintendant du commerce anglais en Chine, reçut la permission de quitter Canton pour aller à Macao et à Lintin, dans le but de forcer les capitaines des navires stationnant dans ces parages à livrer la quantité d’opium nécessaire pour compléter les 20,283 caisses promises par M. Elliot. Ce fut la colombe de l’arche, et les prisonniers, encore sous l’impression de leurs terreurs passées, attendirent avec impatience les résultats de son voyage.

Il était douteux que les capitaines des navires stationnés dans les eaux extérieures de la rivière, à Lintin, à Macao, et complètement à l’abri du danger qui menaçait leurs compatriotes, voulussent se soumettre à des pertes pour lesquelles ils pouvaient, en quelque sorte, se considérer comme responsables. Toutefois les ordres de leurs consignataires, tous emprisonnés à Canton, l’ordre collectif de M. Elliot, et, plus que tout le reste, un sentiment d’humanité qu’on ne peut assez louer, firent taire tous les scrupules et toutes les craintes.

Le 5 mai, une grande partie de l’opium ayant été livrée, la permission fut donnée aux étrangers de quitter Canton, à l’exception de seize d’entre eux qui, dans l’opinion des autorités chinoises, étaient plus coupables que les autres, quoique plusieurs des prisonniers inscrits sur cette liste de proscription fussent purs de toute participation au commerce d’opium.

Peu à peu les Chinois se relâchèrent de la rigueur qu’ils avaient déployée contre les étrangers ; ils leur rendirent leurs domestiques, ils leur laissè-