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SOUVENIRS DE LA JEUNESSE DE NAPOLÉON.

les emplois que ses services militaires lui ont mérités, et parcourt les différens cabinets pour susciter des ennemis aux oppresseurs et des amis aux siens… Mais les rois de l’Europe ne connaissent de justice que leur intérêt, d’amis que les instrumens de la politique. Il s’embarque pour l’Afrique ; il est accueilli par le bey de Tunis, qui lui promet du secours ; il gagne la confiance de Soliman, qui lui promet assistance. Soliman avait l’ame noble et généreuse, il devint le protecteur de Sampiero et de ses infortunés compatriotes. Tout se dispose en leur faveur ; bientôt le croissant humiliera jusque dans nos mers la croix ligurienne ! — Gênes cependant suit d’un œil inquiet les courses de son implacable ennemi, et, ne pouvant pas l’apaiser, elle cherche à lui lier les mains par l’amour de ses enfans et par l’amour de sa femme : douces affections qui maîtrisent l’ame par le cœur, comme le sentiment par la tendresse… Sampiero aime tendrement sa femme Vannina, qu’il a laissée à Marseille avec ses enfans, ses papiers et quelques amis… C’est Vannina que les Génois entreprennent de séduire par l’espoir de lui restituer les biens immenses qu’elle a en Corse, et de faire un sort si brillant à ses enfans, que son mari lui-même s’en trouvera satisfait. Ainsi elle vivra tranquille sous leur gouvernement, elle vivra tranquille au milieu de ses terres et de ses parens, contente de la considération de ses enfans, et ne sera plus exposée à mener une vie errante en suivant les projets d’un époux furibond. Mais pour cela il faut aller à Gênes, donner aux Corses l’exemple de la soumission au nouveau gouvernement, et de la confiance dans le sénat. Vannina accepte : elle enlève tout, jusqu’aux papiers de son mari, et s’embarque avec ses enfans sur un navire génois. Ils étaient déjà arrivés à la hauteur d’Antibes, lorsqu’ils sont atteints par un brigantin monté par les amis de Sampiero, qui s’emparent du bâtiment où est la perfide, et la conduisent à Aix avec ses enfans.

« La nouvelle du crime de Vannina élève dans le cœur de l’impétueux Sampiero la tempête et l’indignation. Il part comme un trait de Constantinople ; les vents secondent son impatience. Il arrive enfin en présence de sa femme. Un silence farouche résiste obstinément à ses excuses et aux caresses de ses enfans. Le sentiment aigre de l’horreur a pétrifié sans retour l’ame de Sampiero. Quatre jours se passent dans cette immobilité, à la fin desquels ils arrivent dans leur maison de Marseille. Vannina, accablée de fatigue et d’angoisse, se livre un moment au sommeil. À ses pieds sont ses enfans ;