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pouvait adoucir le sort des Corses. Ils vivaient sans espérance lorsque Sampiero de Bastelica, couvert des lauriers qu’il avait conquis sous les drapeaux français, vint faire ressouvenir ses compatriotes que leurs oppresseurs étaient ces mêmes Génois qu’ils avaient tant de fois battus. Sa réputation, son éloquence les ébranlaient, et à l’arrivée de de Thermes, que le roi Henri II expédia avec dix-sept compagnies de troupes pour chasser l’Offizio, les Corses s’armèrent du poignard de la vengeance, et, réduits à la seule ville de Calvi, les protecteurs de Saint-George reconnurent, mais trop tard, que quelqu’accablés qu’ils fussent, ces intrépides insulaires pouvaient mourir, mais non pas vivre esclaves.

« Le sénat de Gênes, fidèle au plan qu’il s’était tracé, avait sans cesse travaillé et contre l’Offizio et contre les Corses. Il voyait avec plaisir s’entr’égorger des peuples qu’il voulait soumettre, et s’affaiblir une compagnie qui lui donnait ombrage ; mais, dans ces circonstances, il sentit qu’il fallait la secourir puissamment, ou se résoudre à voir recueillir par les Français le fruit de tant de peines et d’intrigues. Il offrit donc ses galères et ses troupes, et sollicita l’empereur Charles V, son protecteur, qui lui envoya aussitôt une armée et des vaisseaux. Vains préparatifs ! les Corses triomphèrent ; le grand Andrea Doria vit périr dix mille hommes de ses troupes sous les murs de San-Fiorenzo. L’immortel Sampiero battit les Génois sur les rives du Golo, à Petreta, mais, s’étant brouillé avec de Thermes, le roi de France l’appela à sa cour ; dès ce moment, nos affaires déclinèrent, et ne furent plus rétablies que par son retour ; après diverses vicissitudes, l’Offizio allait être expulsé à jamais, lorsque, par le traité de Château-Cambresis, les Français évacuèrent l’île. Les Corses firent leur paix, les pactes conventionnels de Lago Benedetto furent renouvelés de part et d’autre. L’Offizio promit de gouverner conjointement avec la nation, et de gouverner avec justice. Gouverner avec justice n’était pas ce que voulait la politique du sénat, qui, voyant les Corses sur le point de s’attacher sérieusement, d’oublier leur ressentiment et de céder à la fatalité une portion de leur indépendance, voyait se renverser tous ses projets. La circonstance, d’ailleurs, était favorable, il obligea les protecteurs de Saint-George à lui céder la possession de l’île. Outré de ce changement qui s’était fait sans son consentement, le peuple soupire après l’arrivée de son libérateur Sampiero. Cet homme ardent avait juré dans son cœur la ruine des tyrans et la délivrance de son pays. Voyant la France trahir ses promesses, il dédaigne