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LA MONARCHIE AUTRICHIENNE.

leurs pareils ; mais ils sont en dehors de l’université. Je veux parler de l’école centrale des arts et manufactures de Paris, de l’école de la Martinière de Lyon, et de l’école des apprentis de Nantes, destinées à former, l’une des chefs d’industrie, la deuxième des contremaîtres, la troisième de simples ouvriers. L’école spéciale de commerce de M. Blanqui est pareillement une institution de beaucoup de valeur, qu’on ne saurait trop encourager ; elle répond à un des besoins les plus urgens du pays, car le commerce est un art difficile, et les habiles commerçans sont extrêmement rares en France, bien plus rares que les habiles manufacturiers. Nous avons aussi des instituts agricoles d’une grande distinction. Il n’y aurait qu’à reproduire ces divers modèles sur d’autres points du territoire, sauf les modifications commandées par les causes locales, pour que nous nous trouvassions tout d’un coup en avant de tous les autres peuples.

Dresde, le 28 septembre 1840.

Voici un peuple éclairé, ami des arts, extrêmement habile dans l’industrie, honnête et loyal, des mœurs les plus aimables, affectueux au plus haut degré. La nation allemande, en général, est, plus que toutes les autres, douée de bienveillance, qualité précieuse qui adoucit les frottemens de la vie. Le Saxon surpasse encore les autres Allemands sous ce rapport ; il est bienveillant parmi les bienveillans. Au contact d’hommes semblables, l’ame épanouie se délecte des plus douces sensations. La nature d’ailleurs est belle en Saxe. La vallée de l’Elbe est riche, parfaitement cultivée, et parsemée de jolis villages. La Saxe abonde en sites pittoresques, et, par exemple, la Suisse saxonne a une célébrité classique. Cependant je me suis senti pris d’une insurmontable tristesse en mettant le pied sur le sol saxon. C’est que ce peuple a souffert pour nous. Il a vu ses villes assiégées, saccagées, ses campagnes dévastées par nos guerres de 1813. Il a été coupé en deux, en punition de sa fidélité à la fortune de la France, Il me semble qu’il porte l’empreinte des maux que lui a valus son attachement à notre cause. Ce n’est plus la splendeur des anciens électeurs de Saxe. Je sors, par exemple, de la galerie des tableaux ; c’est la plus riche de l’Allemagne, mais elle est logée comme le serait celle d’un grand seigneur ruiné.

Je me sens attristé, et comment un Français ne le serait-il pas ? Voilà Dresde, où nous avons remporté une éclatante victoire ; tout près de Dresde, Bautzen, Lutzen, où nos conscrits égalèrent les