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nistères desquels la France attend le plus, fi donc ! on ne se dérange pas pour si peu. En acceptant un de ces trois postes, on s’expose à passer pour une doublure.

C’est une charmante expression, que celle du vocabulaire administratif, qui dit président-né, membre-né, pour indiquer une attribution inhérente de droit à telle ou telle fonction. Cela se dit par métaphore, mais maintenant on est ministre-né, sans figure de rhétorique et à la lettre.

Puisque la politique est comme une armée où l’on s’enrôlerait maréchal de France, il serait à désirer qu’une loi créât une île Barataria où les ministres expectans feraient une certaine station. On y débuterait, non pas avec le titre de secrétaire-général ou de sous-secrétaire d’état, mais avec celui de ministre, de ministre à portefeuille. De bon bourgeois pérorant d’une façon diserte, on deviendrait, sans transition, excellence pour les huissiers, monseigneur pour les pauvres hères qui aspirent à devenir commis. On aurait 80,000 francs de traitement, et il y aurait un président du conseil à 120,000 francs. Cela ne coûterait pas plus d’un million ; ce serait pour rien ; les novices s’y feraient la main. On sauverait ainsi bien des meurtrissures à cette pauvre France.

Si j’avais l’honneur d’être député, par amendement à ce projet de loi, je demanderais que tous les ministres en expectative, appartenant à l’opposition, fussent tenus de mettre en pratique, dans cette île, pendant trois mois, les doctrines par eux professées durant leur carrière opposante. Quant à la population de l’île en terre ferme, elle se formerait naturellement, pendant le même délai, des électeurs qui leur auraient donné leur voix.

Carlsbad, 10 septembre.
DU GOUVERNEMENT AUTRICHIEN AU POINT DE VUE DU PROGRÈS.

Au nom du progrès à la cause duquel la France s’honore d’être dévouée, la politique de l’Autriche a souvent été qualifiée sévèrement. Un sujet autrichien, homme éclairé, qui connaît le gouvernement de son pays et qui ne déguise pas l’admiration que ce gouvernement lui inspire, me disait à ce sujet que la politique autrichienne ne s’écartait des idées de l’école moderne qu’en ce qu’elle limitait le domaine de l’innovation. « En France, me disait-il, l’école de la révolution avait cru que tout absolument était à changer du blanc au