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LA MONARCHIE AUTRICHIENNE.

tuer, lorsque l’interprète intervint pour expliquer que les cabrioles du marqueur n’étaient pas plus irrévérencieuses que le rire du maçon.

La colère du roi, comme dit Salomon,
Est terrible……

Marienbad, le 1er septembre 1840.

Je suis ici à une ou deux lieues du château de Kœnigswart, propriété de M. de Metternich, qui l’habite en ce moment avec la plupart des ambassadeurs près la cour d’Autriche. De toute la carrière, si riche en évènemens, de M. de Metternich, une des choses qui me frappent le plus quand je songe à mon pays, c’est que depuis trente-cinq ans il dirige la politique de l’Autriche.

Cette permanence des mêmes hommes au pouvoir n’est point rare sur la rive droite du Rhin. Il faut dire aussi que, dans ces états, l’autorité est entre les mains de personnages d’une capacité éprouvée. Les sommités de l’administration autrichienne en particulier sont occupées par des hommes réputés les plus capables de la monarchie ; ils sont parvenus à leurs postes par degrés, en passant par les grades intermédiaires ; ils savent commander à leurs inférieurs, parce qu’ils ont été à la place de ceux qui reçoivent aujourd’hui leurs ordres.

Une des plus grandes lacunes du gouvernement parlementaire de la France, c’est que la nécessité de préparer les hommes d’état à leur rude métier n’y est pas prévue. Anomalie étrange ! pour être médecin, procureur, marchand ou simple artisan, il est reconnu qu’il faut un apprentissage, et il est posé en principe qu’on est, de plain-pied, gouvernant suprême, ministre enfin. C’est une science que chacun a infuse. Nous sommes trente-cinq millions en France qui possédons ce don du ciel.

Les choses en sont même à ce point qu’avoir fait un apprentissage est un titre exprès d’exclusion pour les fonctions les plus hautes. Qu’un homme figure dans l’administration comme préfet ou comme directeur d’une division dans un ministère, par cela même il est impossible d’en faire un ministre. Qu’il n’ait jamais touché aux fonctions publiques, qu’il les ait évitées, qu’il ne sache pas l’a b c des affaires, oh ! alors il est parfait pour gouverner. Ouvrez la porte à deux battans ! Quel portefeuille est du goût de l’honorable membre ? Lequel des grands portefeuilles, s’entend ; car pour le commerce, les travaux publics ou l’instruction publique, c’est-à-dire pour les trois mi-