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LA MONARCHIE AUTRICHIENNE.

n’est point ossianique, ni même homérique, quoiqu’il s’y trouve une poésie qui ne monte pas au cerveau, mais qui pénètre à l’ame ; c’est au rebours des idées de l’école moderne, qui confond la force avec la grandeur, la violence sur une grande échelle avec la majesté ; mais c’est ce qui assure une vie facile et douce aux populations, ce qui affermit les trônes, et rend les dynasties impérissables. Qu’importe de sacrifier un peu de temps, lorsque autrement il faudrait immoler le calme et le bonheur de ses sujets ? Heureux le prince de qui les populations sont persuadées, à bon droit, que leurs maux sont ses souffrances, et leur prospérité sa félicité personnelle ! Si des causes extérieures attirent sur lui un éclat de la foudre, combien il a lieu de s’applaudir de sa patience et de ses ménagemens ! Alors la reconnaissance filiale des populations lui assure un abri, et lui prodigue de tendres consolations. Quand l’empereur François revint à Vienne, seul, sans gardes, dans sa modeste voiture, après la paix qui suivit la rude leçon de Wagram, il fut accueilli comme un père exilé qui retourne parmi ses enfans. On eût dit un triomphe, tant la joie était universelle. S’il eût été de l’école de Pierre-le-Grand, 1805 et 1809 eussent fait crouler son trône. Enfin à cette lenteur le progrès perd peu de chose ; le fabuliste a raison :

Rien ne sert de courir……
30 août.

Carlsbad a été mille fois visité par des empereurs et des rois absolus, d’un absolutisme, ceux-ci paternel, ceux-là insouciant, quelques-uns du despotisme le plus progressif, d’autres, tels que le roi actuel de Hanovre, en l’honneur duquel on a élevé une colonne dans le délicieux jardin des sources, du despotisme le moins aimable et le moins intelligent. Des inscriptions rappellent la présence de la plupart des princes modernes de la famille impériale de Russie. Le feu roi de Prusse, honnête homme, dévoué au bien de ses sujets, y venait souvent. Derrière la maison que j’habite, au penchant d’une colline couverte de sapins, est une toute petite esplanade qui porte son nom, parce qu’il l’affectionnait, et d’où l’on a la plus jolie vue sur la vallée de la Téple, sur Carlsbad, et sur les montagnes qui dominent la ville de toutes parts.

Parmi tous ces potentats, le plus absolu, sans contredit, fut Pierre-le-Grand. Il prit deux fois les eaux de Carlsbad. Il y vint entouré d’une cour nombreuse en 1711, et y revint l’année suivante, selon