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roi Louis, la riche imagination d’un poète pour résoudre ce problème.

Carlsbad, 20 août 1840.
DE LA BOHÊME ET DU GOUVENEMENT AUTRICHIEN.

Je ne sais quelle épithète caractéristique les géographes, grands dessinateurs de silhouettes, ont l’habitude de décerner à la Bohême. Je m’imagine que, les uns, préoccupés de l’aspect du sol, disent que c’est une contrée montueuse et boisée, riche en mines de tout genre. D’autres, plus attentifs au personnel qu’au matériel, doivent tracer à peu près ainsi son portrait : « La Bohême est un pays habité par un peuple aux mœurs douces, ce qui n’empêche pas d’être spirituel, au tempérament soumis et docile sans bassesse. Les Bohêmes sont braves d’abord, tous les Européens le sont, mais moins que d’autres ils sont enclins à la violence ; ils sont laborieux et appliqués plus que leurs voisins du midi, les Autrichiens, et cependant, à peu près autant qu’eux, sensibles aux joies de la consommation. » Un troisième, ayant vu dans les moindres villages passer des enfans pieds nus, un violon sous le bras ou une clarinette à la main, pour se rendre à l’école, définira la Bohême, la terre musicale par excellence. Les Anglais, qui sont disposés à juger les nations par les auberges et les aubergistes, doivent inscrire dans leurs comptes-rendus que la propreté n’est pas l’attribut dominant du pays. Sur ce point cependant, si l’on en jugeait d’après Carlsbad, l’arrêt serait bien injuste ; Carlsbad est la ville la plus coquettement proprette qui se puisse voir. Pour moi, si je me hasardais à écrire une géographie sous le coup de l’impression que j’ai ressentie en arrivant, je donnerais à ce pays l’épithète de paisible. Ce calme de la vie dont je trouve ici l’empreinte sur tous les visages et dont on se sent bientôt imprégné soi-même, c’est si neuf et si bon pour un Français ! Quand on compare une physionomie bohême aux nôtres, je parle des seules physionomies masculines, on est tenté de croire que le Français est au lendemain d’une attaque de nerfs, au lendemain et à la veille aussi. Il faut qu’ici, me disais-je, on passe de meilleures nuits qu’en France. Eh non ! ce sont de meilleurs jours.

La Bohême est un pays paisible. Dans cette atmosphère tranquille, les poumons s’épanouissent, et le sang circule plus doucement. Ce n’est pas un calme plat, image de la mort, c’est une activité ordon-