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LA MONARCHIE AUTRICHIENNE.

publics, qui, malgré son âge avancé (il a près de soixante-dix ans), en surveille personnellement l’exécution avec une ardeur juvénile. Il est toujours allant et venant, à pied, tout le long de la ligne. Nous avons fait une assez longue course au bief de partage, et ses vieilles jambes ont lassé les miennes. Durant le cours entier de sa longue vie, ce vénérable ingénieur a poursuivi l’exécution de ce canal ; c’était le rêve de ses jours et de ses nuits. Plusieurs engins remarquables ont été employés sur le canal Louis. M. Beyschlag, conseiller des travaux publics, adjoint à M. de Pechmann pour la direction des travaux, m’a fait voir tout près d’ici, à Dutzendteich, dans les ateliers de M. Spæth, mécanicien habile, une machine qui doit servir à enlever les terres dans une tranchée de quatre-vingt-huit pieds bavarois (vingt-cinq mètres soixante-dix centimètres) de profondeur. Au bief de partage où l’on creuse une tranchée immense dans un terrain de sable blanc, une autre machine fort ingénieuse a été mise en œuvre pour enlever les sables. Elle a fait la fortune de l’entrepreneur. L’inventeur de ces mécanismes est M. Hartmann, l’un des sous-ingénieurs du canal.

Il est fâcheux pour la France que cette communication du Rhin au Danube s’opère sans qu’elle ait aussi la sienne. Le Danube est le grand chemin continental de l’Orient. Il nous faudrait un canal, à nous, entre ces deux puissantes artères, au travers du duché de Bade et du Wurtemberg ou de la Suisse. Divers tracés ont été proposés : l’un gravissant le plateau de la forêt Noire par le vallon de la Kintzig, vis-à-vis de Strasbourg ; l’autre, quittant le Rhin à Waldshut au-dessus de Bâle ; un troisième prenant son point de départ au lac de Constance. Un canal français (ces trois-là le seraient), du Rhin au Danube, serait une consécration matérielle de l’alliance de la France avec l’Allemagne, alliance bien désirable.

Le roi de Bavière a une autre ressemblance avec Louis XIV : il est peu parlementaire. Il ne s’est pas avisé d’aller exhorter les chambres au silence, en équipage de chasse et le fouet à la main ; de nos jours, c’eût été trop féodal, même pour l’Allemagne ; mais il a trouvé le moyen de déparlementariser le parlement, je veux dire de le rendre infiniment sobre de discours. Un article de la constitution interdit l’entrée de la chambre des députés aux fonctionnaires, sauf l’autorisation du roi. Or, l’on a assimilé les avocats aux fonctionnaires, et, à l’égard de MM. de l’ordre, le roi a systématiquement et sans exception fait usage de son veto. Un gouvernement parlementaire sans avocats est un curieux phénomène. Il fallait avoir, comme le