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la discussion par les magnétiseurs, sur toutes les parties de leur doctrine, ce serait faire un livre. Prenons un seul phénomène, la vision. Il passe pour le plus merveilleux de tous ; c’est celui qu’on déclare particulièrement impossible à priori et indigne de toute vérification. C’est donc celui sur lequel ont dû porter et ont porté en effet les efforts des magnétiseurs ; c’est celui qui a figuré dans le programme de défi de M. Burdin ; c’est celui dont la réalité une fois constatée rendrait immédiatement croyables tous les autres. Eh bien ! ce phénomène dont tous les livres des magnétiseurs donnent des exemples, et de nombreux exemples, n’a jamais été constaté dans aucune des expériences régulièrement instituées devant les commissions académiques pour sa vérification, ou, lorsqu’il s’est produit, il a été prouvé qu’il y avait supercherie. Dès-lors quelle garantie offrent des observations plus ou moins nombreuses faites à huis-clos, en présence de témoins incapables de comprendre ce que c’est qu’une expérience, par un expérimentateur incapable de l’instituer ? Pour notre part, nous avons vu tout ce que l’audace du mensonge peut attendre en ce genre de la crédulité, non pas seulement de la multitude, qui voit tout ce qu’on lui montre comme on le lui montre, mais encore de gens qui passent pour savoir regarder. C’est bien ici le cas du mot de Pline : Nullum tam impudens mendacium est ut teste careat. Voici des exemples récens :

Mlle Pigeaire a lu dans un livre devant tout Paris, pendant trois mois, les yeux couverts d’un épais bandeau de velours noir. Les procès-verbaux de ces séances ont été revêtus des noms les plus considérables de l’art, de la littérature, des sciences. Que prouvent ces adhésions, ces convictions, déclarées et signées ? Rien. Ce fait n’avait certes rien qui méritât l’admiration et l’étonnement. Ce n’est pas merveille qu’une petite fille de douze ans sache lire assez couramment dans un livre imprimé. Or, c’est là, en réalité, tout ce que Mlle Pigeaire faisait voir. Mais il est impossible de lire avec un tel bandeau ! Le fait prouvait, au contraire, que rien n’était plus possible, et même certain, puisqu’elle lisait. Tout le mystère consiste en ce que le bandeau destiné à boucher les yeux ne les bouchait pas, quoiqu’il parût les boucher.

On ne trouvera pas cette explication trop téméraire quand on aura lu ce qui suit. Il s’agit de deux faits qui me sont propres. Je serai court. En 1841, je fus invité par le plus zélé et le plus brillant défenseur dont le magnétisme animal puisse se vanter, par M. le docteur Frappart, à venir vérifier par moi-même chez lui, sur une jeune som-