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DU MAGNÉTISME ANIMAL.

trine médicale généralement adoptée, enseignée, appliquée. Quoique absolument dénuée des motifs de crédibilité exigés aujourd’hui dans tout ce qui prétend au nom de science, elle s’établit sans difficulté aucune dans la foi du médecin et s’y place honorablement à côté d’une foule d’autres qui, à la vérité, la valent bien ; elle résiste bravement à l’épreuve indéfiniment répétée de la pratique. Si, passagèrement et par éclairs, quelque doute s’élève sur la légitimité d’une acquisition de cette nature, il est immédiatement étouffé par la prodigieuse difficulté d’une vérification personnelle, et par la réflexion tranquillisante que cette vérification a dû être faite quelque part par quelqu’un ; et on continue non point à expérimenter cette connaissance, mais seulement à l’appliquer. On s’en sert parce qu’il est admis qu’il faut s’en servir. C’est une formalité.

S’il est vrai qu’on puisse ainsi, avec de l’attention, prendre notre science actuelle en flagrant délit de lèse-logique dans une foule de cas où elle ne se doute pas même de sa mauvaise position, on concevra moins difficilement comment un corps de croyances pseudo-scientifiques peut se maintenir long-temps en présence et en dépit des applications pratiques dont les mécomptes devraient, à ce qu’il semble, en dévoiler bientôt la vanité. Si ce phénomène intellectuel nous étonne tant dans l’histoire des doctrines astrologiques, magiques, spargyriques et théurgiques, c’est que leurs dogmes positifs, étant tout-à-fait sortis de notre croyance sous leur forme originaire, observés à la mesure de notre science actuelle, ils paraissent des monstres. Ce sont ces dogmes qui nous effraient d’abord, et ce n’est, si on nous passe le terme, que par ricochet que nous reportons notre surprise et notre investigation critique sur l’étrange aberration d’esprit qui les mit au monde et les y laissa vivre. Si, à notre époque, nous sommes en général, et sur tant de points, très peu portés à suspecter les fondemens de notre foi scientifique, c’est parce que les dogmes dont elle se compose, fruits de nos propres œuvres, n’étonnent pas plus notre intelligence que la forme de nos habits ne choque nos yeux. Il arrive de là que, lorsqu’on accole brusquement, comme nous venons de le faire, telle ou telle science du passé à telle ou telle science du présent, la médecine rationnelle du XIXe siècle et la médecine occulte du XVIe, la méthode des serpens et la méthode des sangsues, on produit sur l’esprit l’effet blessant et insupportable qu’une dissonance musicale produit sur l’oreille. Cependant de même que cette dissonance peut, au moyen d’intermédiaires appropriés, être atténuée au point de devenir insen-