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légalité, et que, si elles agitent la surface de la société, elles n’en touchent pas les bases.

Les Anglais s’élèvent vivement contre les opinions ; ils respectent les personnes. En Angleterre, il y a souvent du tapage ; il n’y a pas de sédition, pas d’émeute. Les classes supérieures sont sans crainte, et par cela même sans violence. Ceci nous rappelle le fait d’un ministre anglais dont un rassemblement nombreux entourait la maison et cassait les vitres. C’est là le nec plus ultra de la colère populaire. Ce ministre quitta son domicile, et alla se placer dans la rue au milieu du tumulte. Reconnu bientôt, on lui demanda pourquoi il venait en ce lieu. « La raison est bien simple, dit-il ; chez moi, une pierre aurait pu me frapper ; ici, au milieu des assaillans, je suis à l’abri. » Le raisonnement parut excellent, et on applaudit à l’ingénieux expédient de l’homme d’état.

Le vrai combat ne se livrera pas dans les rues, mais dans le parlement. Nous ne voulons rien affirmer ; nous disons seulement que, selon toute probabilité, cette grande question se terminera comme toutes les grandes questions se terminent en Angleterre, fort heureusement pour ce pays. Il y aura transaction, c’est-à-dire que le bill sera adopté, soit tel qu’il a été proposé, soit avec des modifications qui n’en altéreront pas le principe. Il suffit pour cela que le droit mobile soit maintenu dans des limites qui ne le rendent pas illusoire.

À ces difficultés s’ajoutent, pour le gouvernement anglais, d’autres faits d’une haute importance et d’une grande gravité : nous voulons parler des nouvelles de l’Inde. Elles paraissent avoir produit et dans l’Inde même et en Angleterre une profonde sensation. On le conçoit : le domaine colonial est une partie si essentielle de l’empire britannique, que tout ce qui pourrait le menacer de près ou de loin, doit, à juste titre, exciter en Angleterre la plus vive sollicitude. On se tromperait, du reste, si on voyait dans les faits qu’on nous a racontés, un péril sérieux pour la domination anglaise dans l’Inde. Cette domination est trop fortement, trop habilement établie, pour que quelques attaques partielles, quelques révoltes locales, puissent l’ébranler. Sans doute ces attaques, ces révoltes, sont un exemple séduisant pour les populations asservies, et seront pour l’Angleterre, qui doit à tout prix réprimer ces mouvemens, une cause de grandes dépenses. Sans doute encore, aujourd’hui que l’Angleterre a voulu étendre de plus en plus son immense empire, aujourd’hui qu’elle compte dans l’Inde plus de quatre-vingts millions de sujets et plus de quarante millions d’alliés et de tributaires, il devient très difficile de prévenir toute résistance. Les surprises ne sont pas impossibles, lorsque les forces doivent se disséminer sur d’immenses territoires, franchir d’énormes distances, affronter toutes les difficultés que peuvent offrir la diversité des climats, les hautes montagnes, la haine des populations, les trahisons d’alliés perfides ou mécontens.

Ce sont les difficultés qui accompagnent toute domination excessivement