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pitaine Elliot, qui disait avoir reçu de son gouvernement la mission de diriger le commerce de son pays, fût sans pouvoirs réels pour l’accomplir.

Depuis l’année 1837, jusqu’au moment de la catastrophe de mars 1839, le capitaine Elliot ne laissa pas échapper une seule occasion de déclarer à ses nationaux que le commerce d’opium était un commerce illégal et que les excès qui en étaient la conséquence auraient de funestes résultats ; mais l’amour du gain fut plus fort que la raison : les bénéfices du commerce d’opium étaient trop faciles et trop considérables, pour qu’on les abandonnât à la simple injonction d’un agent anglais sans pouvoirs et peut-être sans instructions. La patience du gouvernement chinois, qu’on croyait infatigable, ne devait-elle pas se lasser à la fin ? L’orage grondait depuis si long-temps sur la communauté étrangère, qu’en vérité, quand il éclata, il n’a dû surprendre personne.

Nous voici arrivés au moment critique où le gouvernement chinois, irrité de l’obstination des étrangers, fatigué de publier des édits inutiles et de prodiguer des avertissemens sans résultat, prend le parti, dangereux sans doute, mais peut-être inévitable, d’être maître chez lui. On peut dire que l’état d’hostilité ouverte entre l’Angleterre et la Chine a commencé dès l’arrivée de Lin à Canton. De ce moment, le commerce a été virtuellement interrompu, et la vie des Européens trop souvent en danger. Cependant, avant de porter un jugement sur la conduite du gouvernement chinois, je vous prie de vous rappeler que la Chine est la Chine, que nos notions de politique internationale n’y ont pas pénétré, que la Chine a une civilisation à part, qu’elle prétend avoir le droit d’être elle-même et de rester chez elle, qu’elle déclare qu’elle n’a besoin de personne, et, enfin, qu’elle n’a jamais voulu ou daigné contracter avec les puissances européennes un seul traité qu’on puisse aujourd’hui invoquer contre elle.

Ici se présentent naturellement quelques considérations sur la guerre actuelle. Cette guerre est-elle juste de la part de l’Angleterre ? Y a-t-il eu chez elle un droit froissé ? Le gouvernement chinois a-t-il commis envers un de ses sujets ou envers un de ses agens un acte arbitraire qui ne fût pas le résultat de leur conduite ? Si cet acte a été commis, était-il devenu nécessaire pour le gouvernement chinois dans l’intérêt de sa conservation ?

Toutes ces questions ont été traitées dans le parlement anglais et par la presse anglaise avec tous les détails, toute l’attention qu’elles méritent. L’opinion publique est restée partagée, et dans le pays même où elles soulevaient le plus d’intérêts, et dans un débat solennel où la nation était appelée à se prononcer, il y eut un moment où l’on fut près de blâmer la conduite du gouvernement anglais comme injuste et impolitique. Le ministère britannique ne dut le triomphe douteux qu’il obtint alors qu’au désintéressement d’un bon et loyal citoyen. Le duc de Wellington sentit que le gouvernement anglais était désormais trop avancé pour reculer, qu’il n’était plus temps, après tout ce qui avait été fait, de discuter si on avait eu ou non raison de le faire ; le gouvernement de la Grande-Bretagne était compromis, engagé ; à tort ou à raison, la nation l’était avec lui, et dès ce moment tout esprit de parti