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en sont les dépositaires à les exécuter avec une impitoyable sévérité. « Après avoir, dit-il, sévi contre les coupables de la terre centrale (empire chinois), il faudra tourner son attention sur la conduite des étrangers qui résident à Canton, les examiner, les arrêter s’ils sont coupables et les garder en prison, leur faire connaître ensuite les lois établies, et les obliger, à une époque déterminée, à renvoyer dans leur pays tous les navires entreposeurs (d’opium) qui sont à Lintin. Il faudrait aussi les engager à écrire une lettre à leur roi pour lui dire que l’opium est un poison qui s’est répandu sur toute la terre centrale au grand dommage du peuple, que la céleste dynastie a infligé les châtimens les plus rigoureux aux traîtres chinois qui en ont fait le commerce ; que, quant à eux, étrangers résidant en Chine, le gouvernement, prenant en considération qu’ils sont étrangers et barbares, veut bien ne pas les condamner à mort ; qu’ils seront traités avec indulgence, et qu’on leur permettra de continuer leur commerce comme à l’ordinaire, à la condition que les navires chargés d’opium renoncent à venir en Chine, tandis que le commerce de thés, de soies, etc., qui leur a été si gracieusement accordé, leur sera retiré, et que la peine capitale leur sera impitoyablement appliquée, s’ils continuent à faire construire des navires et à les envoyer sur les côtes de l’empire céleste pour séduire les naturels. Que le gouvernement donne des ordres d’un caractère aussi simple et aussi énergique, dans un langage fort et dicté par la saine raison (quoique la nature des étrangers soit extrêmement abjecte, celle d’un chien ou d’un mouton), et les étrangers, craignant pour leur vie, auront soin de rechercher le profit et de fuir le danger.

« Quelques personnes pensent que cette manière d’agir serait trop sévère, et craignent qu’elle ne donne lieu à une guerre sur nos frontières. J’ai mûrement réfléchi à ce sujet si important, et je me suis demandé pourquoi, tandis qu’on ne fume pas l’opium dans leur propre pays, les barbares cherchent à empoisonner avec cette drogue la terre centrale des fleurs, et pourquoi, lorsqu’ils ne nous apportent plus d’argent étranger, ils veulent nous enlever l’argent de notre sol.

« Faut-il attendre que le peuple soit entièrement énervé pour repousser le danger ? n’est-il pas préférable, pour éviter une ruine complète, de prendre des mesures efficaces, tandis que le sentiment de notre droit nous donne encore assez d’énergie et de force pour que les barbares n’osent pas dédaigner et mépriser notre gouvernement ? »

Après la présentation de ces divers documens à la cour impériale, les décrets contre le commerce d’opium se succédèrent sans interruption ; les menaces devinrent de plus en plus violentes, et, à la fin de 1838, tout annonçait que la tempête était au moment d’éclater. Déjà, à la fin de 1837, le capitaine Elliot avait amené son pavillon, qui ne flottait que depuis huit mois à Canton, parce que le gouverneur de la province avait refusé de recevoir directement ses communications officielles. Plus tard, le pavillon anglais reparut de nouveau à Canton ; le commerce reprit son cours habituel ; le trafic d’opium surtout acquit une extension qui dut devenir alarmante pour