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plus rigoureuses. Tout ce que les historiens de l’art racontent de Vander-Heyden et des peintres de son école, en se récriant d’admiration, nous pourrions l’appliquer à l’artiste français. En effet, dans les tableaux de sa seconde manière, M. de Laberge tenait compte de tout et ne voulait faire de sacrifices ni de mensonges d’aucune espèce.

Voici à peu près comment il procédait : il déterminait d’abord avec une exactitude mathématique l’espace que l’œil pouvait embrasser, de tel point à tel autre point du site qu’il avait choisi ; c’étaient là les limites de son cadre. À l’aide de la perspective linéaire, il établissait ensuite la planimétrie des terrains, se rendant un compte précis de leurs saillies et de leurs inflexions ; il arrêtait enfin la dimension rigoureuse des objets des premiers plans aux derniers, faisant le travail non-seulement pour les masses principales, mais pour les détails de ces masses, ayant égard à leurs proportions relatives. Il calculait avec la même précision le rayonnement de la lumière et la projection des ombres. Ces grandes bases arrêtées, M. de Laberge arrivait à l’exécution matérielle et aux détails. Comme le peintre hollandais dont nous parlions tout à l’heure, il s’appliquait à tout voir et à tout exprimer, d’une manière plus vigoureuse que Vander-Heyden, mais aussi moins lumineuse. Les murailles, les fenêtres et les toitures des fabriques, les ondulations et les moindres plis du terrain, les ornières des routes, les rameaux des arbres et leurs feuillages, étaient étudiés de façon à ne rien laisser à désirer sous le rapport de l’imitation. On retrouve dans ses tableaux chaque objet modelé dans sa forme, à son plan, et avec les accidens qui lui sont particuliers ; la liaison et l’écartement des briques, les écailles du mortier qui les sépare, l’épaisseur et la profondeur de chaque lésarde, tout est curieusement reproduit. Il n’est pas jusqu’au plus petit brin de mousse ou de lichen, jusqu’à ces moisissures imperceptibles qui corrodent la pierre et en modifient les couleurs, qui ne soient précieusement exprimées avec leur caractère spécial, et en tenant compte de l’altération que la distance fait éprouver à leurs dimensions et à leurs nuances.

En examinant avec soin chacun des derniers tableaux que M. de Laberge a laissés, on ne sait trop ce que l’on doit le plus admirer de l’étonnante patience du peintre ou de son extrême adresse à imiter chacun des objets qu’il a sous les yeux, sans sécheresse ni froideur, sans que ces objets, si achevés quand on les considère isolément, nuisent à l’unité de l’ensemble et à l’accord de toutes les parties du tableau. Une chose singulière, et qui distingue M. de Laberge de Vander-