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guerre, elle peut être portée à soixante mille hommes, par l’adjonction d’une réserve toujours prête à marcher. À ce chiffre il faut ajouter quatre régimens suisses, formant un effectif d’environ cinq mille hommes. Le roi s’occupe en personne, et avec un soin tout particulier, des levées, des équipemens, de tout ce qui touche à l’organisation militaire du pays. Son palais est placé au milieu d’un appareil de guerre formidable ; il vit au bruit des armes, et se plaît dans les revues, les marches, les exercices de tout genre, comme s’il était toujours sur le point de partir pour une expédition lointaine.

On sait que tous les ans, le 12 septembre, jour de la fête de la célèbre madone de Notre-Dame de Piè di Grotta, l’armée napolitaine, réunie à Naples presque tout entière, défile en armes sous le balcon du roi et se range en haie le long des rues que doit traverser le cortége royal pour se rendre à l’église. L’année dernière, il n’y avait pas moins de trente mille hommes sous les armes pour cette cérémonie, avec quatre-vingts pièces de canon attelées. L’année précédente, il y en avait davantage, dit-on. Le défilé dans la rue de Tolède et sur la place du palais a duré plusieurs heures. La garde royale, l’infanterie de ligne, la gendarmerie, les quatre régimens suisses, la garde nationale de Naples, forte d’environ trois mille hommes, car il y a aussi une garde nationale à Naples, les deux régimens de Sicile, environ quatre mille hommes de cavalerie et toute l’artillerie de campagne, formaient cette masse de baïonnettes, d’hommes, de chevaux et de canons. Il serait difficile de voir de plus belles troupes et dans un plus bel ordre. Leur discipline est parfaite, ce qui est rare et difficile pour des soldats méridionaux en général, et pour des Napolitains en particulier ; leur tenue est irréprochable, leur instruction suffisante. Les efforts persévérans du roi ont obtenu un résultat qu’il paraissait impossible d’atteindre, et qui n’est pas sans quelque valeur pour le progrès social du pays, car l’enseignement de l’ordre sous le drapeau n’est pas indifférent pour l’éducation générale des populations.

Toutefois, à l’aspect d’un état militaire si considérable et si coûteux, on ne peut s’empêcher de se demander à quoi il peut être immédiatement utile. Placé à l’extrémité de l’Italie, le royaume de Naples n’a d’autres frontières de terre que celles qui touchent aux états du pape, et une agression militaire n’est guère redoutable de la part d’un pareil voisin. D’un autre côté, il n’est pas à croire que le jeune roi de Naples nourrisse des projets de conquêtes ; il ne pourrait s’agrandir qu’aux dépens du patrimoine de saint Pierre, et tout le