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cherchent leur dîner. Si le peuple de Naples est en général très légèrement vêtu, c’est qu’il n’a pas besoin de l’être davantage, et il ne porte pas plus de haillons qu’aucun autre peuple du monde. On rencontre encore de temps en temps quelques individus qui peuvent passer pour des lazzaroni, mais la classe n’existe plus.

Quand on parcourt l’intérieur de la ville, la première impression se fortifie. Partout règne une activité industrieuse. Dans les beaux quartiers, on retrouve l’éclairage au gaz, les riches magasins, tout le luxe d’une capitale. D’élégantes voitures de place stationnent de tous côtés, et à l’heure du corso les brillans équipages se croisent en tout sens d’un bout à l’autre de Chiaïa. Dans les quartiers populeux, c’est un autre aspect, mais qui ne décèle pas moins l’abondance. Des milliers d’ouvriers travaillent au milieu de la rue ; les forgerons battent le fer, les menuisiers rabotent le bois, tous les métiers s’exercent en plein air. Les marchandes d’eau glacée se montrent partout avec leur petit tonneau et leur comptoir mobile ; de longues tables, chargées de fruits, de pastèques et d’autres comestibles aux plus bas prix, paraissent très fréquentées par les consommateurs. Les maisons, dont toutes les fenêtres sont ornées de balcons à l’espagnole, ont un air d’élégance et presque de propreté qui charme ; la plupart sont peintes de couleurs riantes, surtout dans les environs du port. Le bien-être et la bonne humeur respirent sur tous les visages. Les rues, parfaitement pavées de lave, sont aussi bien entretenues que celles de nos premières villes de province. Sur plusieurs points, les maçons et les terrassiers sont à l’œuvre pour construire des chaussées, niveler des terrains, élargir des voies trop étroites, rendre la circulation plus facile. Partout enfin, on sent, on touche en quelque sorte les preuves évidentes d’un progrès matériel très marqué, et l’on se demande si c’est bien là Naples, la cité de l’incurie traditionnelle et proverbiale.

De la vieille réputation du pays, un seul point se trouve encore justifié : je veux parler des voleurs. Ce dernier trait de la physionomie locale paraît destiné, il est vrai, à disparaître comme les autres ; mais, avant de s’effacer entièrement, il fait une très belle défense. De grands efforts ont été tentés depuis quelque temps par le gouvernement pour organiser une répression efficace ; un ministre de la police, un préfet de police spécial pour la seule ville de Naples, un grand nombre d’agens de tous les degrés travaillent à établir la sécurité dans les rues de la capitale. Des peines sévères sont infligées sans miséricorde aux délinquans ; on parle de bastonnades appliquées militairement sur le lieu même à ceux qui sont pris en fla-