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ANCIENS POÈTES FRANÇAIS.

nations. On peut donc à peu près affirmer, d’après ces antécédens, que Du Bartas fut lu de Milton, comme il l’avait été du Tasse. M. Marmier l’a trouvé traduit ou imité en danois par Arreboe qui florissait au commencement du XVIIe siècle, et en suédois par Spegel, vers le même temps où Rosenhane imitait Ronsard. La gloire à l’étranger est un écho qui souvent retarde. Du Bartas, déjà oublié et éliminé en France faisait ainsi le tour de l’Europe, et poursuivait, renouvelait en quelque sorte, ses succès de province. On retrouve encore aujourd’hui sa réputation assez fraîchement conservée là-bas, comme ces éléphans du Midi échoués on ne sait comment et conservés dans les neiges du Nord. Mais la parole proférée par Goethe sur lui et sur ses mérites, si inexacte même qu’elle puisse sembler, est bien certainement son dernier coup de fortune, le dernier reflet inattendu après que le soleil est couché, et comme sa suprême gloire. N’y a-t-il pas, dites-moi, dans toute cette destinée d’un poète qui fut si célèbre, un utile enseignement de goût et une profonde leçon d’humilité ?


Sainte-Beuve.