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une cause qu’on est fier d’avouer, quelle louable destinée ! quel noble emploi de la vie ! quelle expiation des misères et des fautes de l’égoïsme individuel ! Et quand cette cause est vraiment la bonne, quand la conscience et la raison en ont certitude, et que la conscience et la raison président à tout ce qui se fait pour la servir, la bonne cause servie par les bons moyens, en un mot, quelle fortune de satisfaction et d’honneur pour le cœur d’un honnête homme ! Il nous a été donné de voir plus d’une fois se réaliser, en de grandes circonstances, cette belle combinaison des bons moyens et de la bonne cause. Soit en combattant le pouvoir absolu, soit en résistant aux factions, la France a offert le spectacle rare de la vérité dignement servie, de tous les bons principes du cœur humain mis aux ordres de la justice ; elle a bien fait le bien, et elle a donné un exemple dont profitera la liberté du monde, c’est-à-dire la conquête de la politique par la philosophie. Et maintenant qu’elle a fondé ses droits, qu’elle s’est assurée de sa sagesse, il ne lui reste plus qu’à prendre confiance en elle-même et qu’à s’élever au sentiment de sa grandeur.

Cependant si, écartant les circonstances et les évènemens, les caractères et les actions des individus, on veut considérer les partis comme des systèmes et leurs luttes comme des controverses, un moment suffira pour reconnaître que les fausses doctrines politiques ne peuvent trouver leur réfutation définitive que dans une critique raisonnée, et que leurs mauvais principes ne se peuvent consumer qu’à la flamme du flambeau de la philosophie. À caractériser rapidement les deux grandes erreurs qui égarent les partis, on peut dire que l’une réduisant toute légitimité, tout droit à une question de personne, tend à matérialiser les conditions du pouvoir, à en supprimer toute la moralité, à soumettre l’esprit de la société à une tradition littérale, et son existence au droit de propriété. Ainsi la vérité politique serait transformée en un dogme supérieur à la raison, et par conséquent à la liberté de la pensée. Dieu même ne s’est point placé si haut. L’autre doctrine, cherchant la souveraineté absolue sur la terre, et la supposant dans la volonté populaire, tend à substituer le fait au droit, et à nier également toute vérité rationnelle en politique ; car les volontés ne sont que des accidens variables, et, ce qui est pire, des accidens qu’on ne peut souvent constater, et qui se traduisent au gré de toutes les fantaisies de l’intérêt et de la passion. On le voit, la politique révolutionnaire, préoccupée seulement de la liberté due aux facultés humaines, leur décerne la toute-puissance, quoi qu’elles veuillent d’ailleurs ou qu’elles fassent ; et la po-