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LA PHILOSOPHIE DANS SES RAPPORTS AVEC LA SOCIÉTÉ.

les choses diverses existent, et que lui-même, ou du moins la personne qu’il se sent être, existe au milieu d’elles. Il juge que les choses ont des qualités, qu’elles commencent ou cessent, qu’elles agissent ou subissent l’action, qu’elles sont causes ou qu’elles sont effets. Toutes ces connaissances supposent, on le voit, des notions de cause, d’action, d’existence, et des facultés pour former ou employer ces notions. Ainsi, dans l’homme intérieur s’aperçoivent au premier examen des connaissances générales sur les choses qui résultent de la plus simple expérience de la vie, et l’acquisition de ces connaissances d’une part implique des notions plus générales encore, de l’autre exige des facultés actives. Ces trois choses, les facultés, les notions fondamentales, puis les connaissances qui s’y rapportent immédiatement, qui en dérivent ou qui les supposent, voilà les premiers objets de la philosophie. Si elle se borne à les constater comme des faits, à les compter et à les définir, elle est descriptive. Si elle va plus loin, si elle recherche l’autorité des facultés, la valeur des notions, la certitude des connaissances, elle devient transcendante, elle met en question la vérité de l’esprit humain. Ainsi que les facultés, les notions premières et les connaissances qui en dérivent nécessairement, sont indispensables à toutes les autres connaissances comme moyen ou comme fondement ; la philosophie importe donc à toutes les sciences. Si elle manque, toutes portent à faux ; en les créant, l’esprit humain construit en l’air.

La philosophie descriptive peut porter le nom de psychologie. Si elle entreprend l’analyse de l’intelligence en action pour la régler et la conduire, elle s’appelle logique. Si elle fait le même travail sur la volonté, elle s’appelle morale. Mais si elle s’élève au-dessus des facultés et des notions pour les juger, pour les rapporter à la réalité, pour les considérer absolument, comme donnant des vérités qui sont les lois mêmes des choses, elle mérite alors le nom redouté de métaphysique.

La métaphysique suppose que nos connaissances ont droit à l’estime, et conduisent à une réelle science. Elle a donc pour antécédent nécessaire l’examen de la vérité de nos connaissances ou de l’autorité de l’esprit humain. C’est l’objet de la haute psychologie ; c’est, si l’on veut, ou le point le plus élevé de la psychologie, ou le point de départ de la métaphysique. Celle-ci, admettant la vérité de nos connaissances, prétend nous faire connaître dans une certaine mesure les choses comme elles sont. Elle comprend donc la science de l’être, et subit alors le nom pédantesque d’ontologie. De la nature