Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/486

Cette page a été validée par deux contributeurs.
482
REVUE DES DEUX MONDES.

et plus nationale. On a pu reconnaître les dispositions de la majorité lors du vote sur les affaires d’Espagne. En repoussant l’amendement, la chambre a donné son adhésion à la politique du gouvernement : tout en désirant le maintien de nos relations amicales avec l’Espagne, elle n’a pas voulu donner à croire que notre gouvernement ne trouverait pas appui chez nous dans ses démêlés avec un cabinet étranger.

Ici se présente une réflexion importante, qui n’a pas échappé à ceux qui observent dans les chambres la tactique parlementaire des partis. Quelles qu’aient été les dispositions de la majorité en votant sur le droit de visite, toujours est-il que l’amendement n’était pas accepté par le cabinet ; disons-le, avec le commentaire de M. Lefebvre, l’amendement était un échec pour le ministère. Si l’opposition avait concentré ses efforts sur ce point, si elle avait déclaré que là était pour elle la question de l’adresse tout entière, que les autres paragraphes étaient indifférens ou touchaient à des questions qui devaient être débattues plus tard, le ministère aurait été vaincu dans les débats de l’adresse, vaincu sur une question grave, vaincu avec le concours du parti conservateur. C’est ainsi que les choses se seraient passées en Angleterre. Chez nous au contraire, la discussion de l’adresse est une sorte d’enquête générale sur la situation du pays. Tout homme se croyant quelque valeur parlementaire y cherche un point sur lequel il puisse s’établir et livrer un combat. Chacun se fait juge de l’importance et de l’opportunité de la question qu’il suscite. On se flatte peut-être de réduire le cabinet aux abois en le harcelant sans cesse, en lui présentant tous les jours de nouveaux combats et des combattans nouveaux. On se trompe. Plus on multiplie les questions, et plus on offre au ministère des occasions de succès. C’est ainsi qu’on atténue, qu’on efface même l’impression d’un échec ministériel. En insistant avec la même vivacité sur une foule de questions diverses, on arrive à ce singulier résultat, que les questions sont comptées, au lieu d’être pesées, et comme le ministère, s’il succombe dans une question, triomphe d’ordinaire sur toutes les autres, on lui donne le droit d’en conclure que la discussion de l’adresse lui a été favorable.

Mais il est inutile d’insister davantage sur ce point. Nos habitudes et nos mœurs ne permettent pas, chez nous, aux partis politiques, une tactique plus savante, qui suppose une organisation et une discipline incompatibles avec notre indépendance personnelle et avec notre activité quelque peu impatiente et ambitieuse. Est-ce un bien ? est-ce un mal ? Peut-être des partis fortement organisés rendraient-ils, chez nous, le gouvernement trop difficile : peut-être aussi, le jour où les partis opposans pourraient se donner cette forte organisation, le parti gouvernemental, par les mêmes causes, se trouverait plus compact et mieux discipliné ; car dans ses rangs aussi le moi exerce ses ravages, moins cependant que dans les rangs de l’opposition, et la raison en est simple : dans le parti gouvernemental, le ministère est un chef avoué, et une certaine discipline est acceptée par cela seul qu’elle