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LITTÉRATURE ANGLAISE.

cri semblable, et le véritable acteur, auquel ce rôle sonore appartenait, revint prendre sa place et chassa l’usurpateur.

La séduction des manières et du langage, point de vanité, une bonne humeur toujours prête, une conversation toujours étincelante, un tact délicat, de la hardiesse, de la verve, et un entrain inimitable, expliquaient son succès auprès des gens de goût et d’esprit. Un homme de ce genre et de ce mérite dîne rarement chez lui. Un jour que, par extraordinaire, il n’avait point d’invitation, Hook se rendit, sous une pluie battante, chez un ami dont il était le convive habituel. Ce dernier dînait lui-même en ville, et Théodore le rencontra au moment même où il montait dans le fiacre qui devait le conduire à sa destination. Théodore monte dans le même carrosse, et prétend qu’il dînera là où doit dîner son ami. Ce dernier lui fait comprendre qu’il s’agit d’un repas d’étiquette, que lui-même est invité pour la première fois, et que la chose n’est pas faisable. Il pleuvait toujours ; le carrosse de louage allait lentement, et les amis discutaient, lorsqu’en passant devant une maison de Grosvenor-Square, un grand éclat de lumière, une jalousie abaissée et une fenêtre ouverte leur laissèrent voir une table bien servie, des laquais en costume, et une salle à manger prête à recevoir les convives.

— Je dîne ici ! s’écrie Hook. Cocher, arrêtez !

— Vous connaissez cette maison ? lui dit son ami.

— Pas le moins du monde ; mais j’y dînerai, revenez me prendre ici.

— C’est absurde. Vous n’allez pas vous présenter vous-même à des gens que vous ne connaissez pas ; vous n’auriez pas ce front-là.

— Vous croyez ! Eh bien ! mon cher, parions que j’entre, que je dîne, et que ce soir vous me retrouvez là tout acclimaté. Repassez à dix heures.

On paria ; l’ami fort étonné vit Théodore frapper, s’introduire et refermer la porte. Le soir, il revint, demanda si M. Hook ne se trouvait pas dans cette maison, et, sur la réponse affirmative du domestique, qui le pria de monter, se dirigea vers le salon. Là se trouvait, dans toute sa gloire, Théodore Hook lui-même, entouré d’un cercle de dames et d’admirateurs, causant, riant et racontant ces anecdotes piquantes dont il possédait un si curieux trésor. L’ami était muet de surprise ; le maître de la maison l’accueillit fort bien et lui dit que toute personne présentée par M. Hook serait la bienvenue chez lui, et qu’il se félicitait de l’heureuse méprise qui avait jeté dans ses parages un si agréable convive. Enfin, les deux amis se retirèrent, et