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L’église anglicane non-seulement résiste, mais se concentre et contracte des alliances ; attaquée par les non-intrusionistes ou rebelles écossais à droite, par les hurlemens d’O’Connell à gauche, elle a fort à faire. Heureusement elle est soutenue par le torysme vainqueur.

Au milieu de son triomphe, le torysme a perdu l’un de ses plus utiles athlètes, le facétieux Théodore Hook. Ce n’était point, comme le disent ses amis avec l’emphase funéraire et le lieu commun de la presse quotidienne, a mighty spirit, « un puissant esprit, » mais un homme d’infiniment d’esprit et de facilité, dont la jeunesse fut celle d’un page espiègle, et l’âge mûr celui d’un bon vivant et d’un homme du monde très recherché. Il n’avait pas l’haleine longue, et ses contes valent mieux que ses romans. Le John Bull, journal tory dont il fut le créateur et l’éditeur, contribua puissamment à soutenir la cause qu’il avait embrassée ; feuille remarquable par la vigueur de la polémique et la vivacité comique de la satire. Comme peintre de mœurs, Hook n’est pas au niveau de Smollett ou de Fielding ; la variété et le coloris de Bulwer lui manquent. Il a saisi toutefois un ridicule particulier à l’Angleterre, l’imitation gauche et prétentieuse des formes aristocratiques, la velléité de la morgue, l’étiquette pénétrant dans la roture, et la gentilhommerie bourgeoise calquant ses manières sur des modèles qui lui échappent. Ami du célèbre comédien Mathews, le Potier de la Grande-Bretagne, Hook passait une partie de sa vie au théâtre, et l’autre dans les salons qui se disputaient la présence de l’un des plus aimables causeurs de son époque. Les anecdotes dont il est le héros rempliraient un volume. Jeune et fréquentant les coulisses, il s’avisa un jour d’épier le moment où personne ne se trouvait maître d’un immense porte-voix qui devait faire retentir, au milieu d’un mélodrame-féerie, un oracle satanique. Le moment était venu, le parterre attendait ; c’était l’époque de la gloire populaire de ce Burdett, dont personne ne parle plus ; le jeune Hook s’empare de l’instrument, et l’on entend ces paroles foudroyantes sortir de la trompette théâtrale : Burdett for ever ! « vive Burdett ! » À cette étrange proclamation, le parterre répondit par un

    He’d run im debt by disputation
    And pay by ratioci nation ;
    All this by syllogism true,
    By rule and figure he could do
    .
    (Hudibras.)