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foudroyait ceux qui, avant lui, n’avaient pas découvert ce magnifique résultat. Trois vers latins, du XIIe siècle, déchiffrés sur la couverture d’un psautier, faisaient ses délices. Il se proclamait le seul homme véridique de son siècle, parce que, de tous ses contemporains, seul il observait au microscope les animalcules et les infusoires. La rigidité de son pédantisme s’était transformée en maladie. Tout pseudonyme littéraire l’irritait jusqu’à la rage. La psychologie n’a pas d’exemple plus comique des petitesses devenues gigantesques, des proportions colossales données à la minutie, et de la débilité de l’esprit jointe à la plus scrupuleuse finesse dans le détail.

Avec tant de défauts et de si graves défauts, Ritson a rendu des services à la littérature anglaise, et contribué au mouvement de rénovation qui s’est fait sentir si vivement au commencement du XIXe siècle. Il a restitué des textes, châtié avec insulte les critiques superficiels, ramené les études vers la rigueur et le scrupule, fait ressortir le mérite et la grace des vieilles chansons populaires, et détruit avec une brutale, mais héroïque vigueur, les hypothèses d’une critique frivole. Ce n’était point un homme de génie, un poète encore moins ; mais le génie des vieux temps le frappait et lui allait au cœur. Il résistait à la mode et n’adoptait pas le nouveau en place du beau. Orgueilleuse originalité, qui, si Dieu lui eût donné quelques grains de génie, aurait produit de belles œuvres ; ne ressemblant à personne et ne voulant rien juger que d’après lui-même, la puissance et la largeur lui manquaient, et sa mesure personnelle était étroite. Son individualité le portait à préférer les œuvres antiques, marquées d’un sceau plus individuel et plus réellement primitif ; malheureusement, parmi les produits qui le charmaient comme antiques, il ne distinguait pas les bons des médiocres et des pires.

Avant lui déjà, Warton, le pesant Theobald, l’élégant Percy, le libraire Davis, Headley, malade et amoureux des vieux poètes, Ellis, auteur, des célèbres Specimens, avaient renoué la chaîne des traditions poétiques de l’Angleterre et tressé la longue guirlande de ces fleurs oubliées, mais vivantes encore :

Intent to rescue some neglected rime,
Lone blooming, from the mournful waste of time ;
And cull each scatter’d sweet, that seem’d to smile
Like flowers upon some long-forgotten
[1].

  1. « Ardens à sauver du naufrage des temps quelque vieux vers dont la grace solitaire et le parfum exquis s’étaient conservés ; avides de recueillir ces derniers