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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

quent aussi partout ; les armuriers bosniaques de Travnik et de Mostar sont principalement renommés pour leurs cimeterres damassés. Un officier du génie sous Napoléon, Pertuisier[1], en accordant aux ouvriers européens la supériorité pour les armes à feu, reconnaît que les Orientaux savent toujours forger les meilleures armes blanches. De même les selles turques sont encore les meilleures du monde. Les selliers sont très nombreux ainsi que les cordonniers ; l’opanke ou ypodema, bottine slavo-grecque, est la partie la plus richement travaillée du costume héroïque ou palikarien. Les charrons au contraire sont rares ; il n’y a guère en effet que les femmes des pachas qui emploient les arrabas, voitures turques, et le chariot du paysan, fait par lui-même, est toujours l’amaxis de l’antiquité grecque, à roues très basses, le plus souvent pleines. Des moulins à vent ne se rencontrent que sur les côtes grecques et dans les îles. Les villages de l’intérieur, pour moudre leur blé, emploient encore des moulins à bras ; de la même forme que ceux des anciens. On trouve pourtant des moulins à eau sur la plupart des affluens du Danube.

Quant aux arts et aux sciences qui fleurirent si long-temps à Byzance, les Gréco-Slaves n’en gardent plus même le souvenir. La médecine n’est guère exercée que par les sorcières, et la chirurgie par les barbiers ; le rasoir est leur unique instrument ; il leur sert pour la circoncision, pour la saignée, comme pour les amputations. Point d’accoucheurs, la nature les rend le plus souvent inutiles. Quant aux blessures faites par les armes, les médecins qui ont vécu dans ces contrées reconnaissent que le paysan serbe et albanais a pour les guérir des procédés particuliers et très efficaces. Il ne serait certainement pas inutile que nos chirurgiens de régiment s’appropriassent ce qu’il y a de bon dans ces antiques méthodes curatives des peuples guerriers. La fièvre intermittente et la dyssenterie étant à peu près les seules maladies, ceux qui en sont atteints se font réciter des prières par les papas, et boivent force eau pure. En Orient, la cure d’eau est d’usage antique. Les Slaves, pour leur malheur, sont très enclins à substituer à l’eau les liqueurs spiritueuses, ce qui transforme la fièvre intermittente en fièvre jaune. L’absence totale de secours éclairés doit faire mourir en bas âge tous les enfans faibles ; ceux d’une constitution forte survivent seuls, et leur vigueur naturelle s’augmente encore par la sobriété que ces hommes apportent d’ordinaire dans toutes les jouissances sensuelles. Si la population se trouve ainsi

  1. Promenades dans Constantinople.