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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.
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les provinces grecques des ânes et des mulets qui égalent en beauté ceux d’Italie. Il y a en Romélie une race de bœufs blancs qui rappellent ceux d’Homère, et qui contrastent par la noblesse de leurs formes avec les hideux buffles dont les pâturages sont couverts. Le buffle, aux mouvemens stupides, à l’œil terne et jaunâtre, aux cornes renversées sur le cou, est en force et en grosseur le double du bœuf ; aussi l’emploie-t-on avantageusement pour les plus lourds charrois, pour les transports de pierres, de fer, de sel. C’est le chameau de la péninsule : informe, apathique, sobre, endurci à la fatigue comme le chameau, il se laisse, comme lui, conduire par des enfans. En été, l’abondante transpiration de cet animal l’excite à chercher les bourbiers. Sur les vastes plaines sans ruisseaux de la Romélie, il faut lui creuser çà et là des fossés d’eau dormante, où, pendant les plus chaudes heures du jour, le monstre noir est plongé jusqu’au museau, qu’il tient immobile au-dessus de l’onde fétide, et toujours dirigé du côté d’où vient le vent, l’ondulation de l’air fût-elle imperceptible.

Les forêts bulgares abondent en petites tortues. Le voyageur, endormi sous la feuillée, est souvent visité par ces timides animaux, qui, étendant leurs longues pattes hors de leur écaille tachetée, viennent chercher les restes de son repas. L’Oriental regarde ces tortues comme impures et n’oserait pas même les toucher ; exportées, elles fourniraient à l’Européen un mets très recherché, et seraient pour les habitans une nouvelle branche d’industrie. C’est ainsi que la pêche des sangsues, abondantes dans les marécages de la presqu’île et recueillies pour le compte des marchands francs, a déjà enrichi plus d’une pauvre famille.

Parmi les végétaux de ces provinces, les plus communs sont le myrte, le laurier-cerise, le mûrier noir, l’oranger, l’olivier, le sycomore, le térébinthe, le chêne à grappe, le tilleul, le châtaignier, le cyprès et le superbe platane d’Orient, qui atteint des dimensions colossales, témoin celui de Bouyouk-déré ; le palmier seul manque à cette terre ; on ne l’y voit, comme à Athènes, qu’exceptionnellement. Les arbres fruitiers d’Europe y abondent, on y trouve des forêts entières de cerisiers et de pruniers ; le fruit de ce dernier arbre sert, dans toute la Turquie, à faire l’eau-de-vie appelée raki[1]. Assez souvent le paysan distille lui-même son raki ; celui des Grecs est une anisette célèbre. Les céréales peuvent croître partout

  1. En slave slivovitsa.