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surtout des troupeaux de cochons en si grand nombre, qu’ils forment la principale ressource du pays, et ont fourni au peuple, en temps de guerre, assez d’argent pour couvrir les frais de campagne et l’achat des munitions. Aussi a-t-on dit que les Turcs, au lieu de combattre les Serbes, auraient dû se tourner contre les cochons de la Serbie, en détruisant les forêts qui les nourrissent. Les Moldo-Valaques ont des troupeaux de gros bétail, et même de chevaux renommés pour leur vitesse, qui s’exportent en masse sur les marchés d’Allemagne et de Russie. La Bosnie et la Hertsegovine nourrissent un nombre considérable de bœufs, qui, devenus gras, sont conduits aux ports de l’Adriatique, et vont alimenter les flottes anglaises de Corfou et une partie de l’Italie. Les tribus de pâtres de ces provinces sont appelées Vlakhi ; elles ont souvent émigré vers les montagnes du sud et vers l’Albanie, où elles ont même donné leur nom à une province, le Stari-Vlah. Partout, jusque dans le Péloponèse, ces hommes gardent les mêmes mœurs et emploient les mêmes procédés pour l’entretien du bétail ; ils ont le même costume de peaux de mouton, la même saleté, la même intrépidité sauvage, jointe à la passion de la musique, de la danse et du chant. Partout on les voit, durant l’hiver, campés dans les vallées profondes, où ils tiennent leurs troupeaux parqués, à l’abri du vent, dans les enfoncemens calcaires en forme d’entonnoir qu’offre souvent la péninsule. À la Saint-George, l’Orphée sauvage lève sa tente, et conduit au son de la flûte son troupeau vers le sommet des monts, mais lentement, et ne quittant un plateau que quand le soleil en a desséché les eaux et les herbages. C’est de cette manière qu’il atteint, à la fin de l’été, les mousses alpestres, encore fraîches lorsqu’au-dessous de lui tout le reste de la verdure est déjà consumé. Il reste sur les cimes jusqu’à la Saint-Dimitri (mi-octobre), et, chassé par les premières neiges, il commence à quitter à pas lents la région des sapins, descendant de plateau en plateau jusqu’à la fin de novembre. Alors il campe de nouveau dans les gorges et les défilés, attentif à saisir le moindre rayon de soleil. Telle est l’existence du voskos ou ovtchar, pâtre gréco-slave. Cet homme au visage farouche effraie souvent les voyageurs, car il est toujours armé ; mais, s’il affecte un ton menaçant avec les riches et les grands, le faible n’invoque jamais en vain son hospitalité.

Toute la péninsule abonde en loups, sangliers, ours, grands aigles, daims, chevreuils, même en chakals dans le midi. Vers le nord, des chevaux sauvages errent sur les plaines ; certaines tribus tatares de Bulgarie les chassent et les tuent pour s’en nourrir. On trouve dans