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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

être en concourant franchement avec la France à relever ce qu’ils ont détruit, les antiques nationalités slaves. Par là on entamerait le travail centralisateur de la Russie, on empêcherait l’établissement du monstrueux empire gréco-slave que rêve Pétersbourg ; et la forme fédérative, naturelle à tous les Gréco-Slaves, même de Russie, en s’introduisant parmi ces peuples, les rendrait moins menaçans pour le reste de l’Europe, sans toutefois les affaiblir, car la race gréco-slave est probablement la plus nombreuse qui vive sur le globe : la population chinoise seule pourrait lui être opposée ; mais n’y a-t-il en Chine qu’une seule race ? En admettant pour toute l’Europe 230 millions d’habitans, il faut bien reconnaître que plus de 100 millions sont Gréco-Slaves. Le reste des Européens couvre les pays les plus exploités, où la population, entassée et riche, ne peut guère augmenter désormais, tandis que leurs rivaux, les Gréco-Slaves, occupent des territoires non-seulement quatre fois plus considérables, mais encore presque inexploités jusqu’ici, et où le chiffre de la population croît tous les ans de plus d’un million. De telles agglomérations d’hommes ne vivront libres qu’en formant des nationalités distinctes. N’oublions pas que les Slaves tiennent par leurs mœurs et toutes leurs institutions aux Hellènes ; l’histoire des uns sera celle des autres ; leurs destinées paraissaient déjà unies dans l’antiquité. La science allemande s’efforce en vain de nous présenter les Slaves comme des intrus en Europe. Les Slaves sont des intrus en Europe comme les Grecs, et ils y étaient avant les Goths, ces pères des Allemands. On peut même dire que l’Allemagne ne s’est constituée que par le démembrement des royaumes slaves, puisqu’au temps de Charlemagne, tout ce qui, au-delà du Rhin, n’était pas France était Slavie. L’Autriche actuelle ne renfermait alors que des Slaves ; et en Prusse, jusqu’au XVIe siècle, l’intrus, c’était le Germain, qui ne subsistait que comme vassal de la Pologne.

La question des races gréco-slaves est le point central de la question d’Orient. Si l’on parvenait à délivrer ces peuples de la double pression russe et anglaise, à organiser parmi eux des souverainetés et des forces militaires imposantes, la France changerait entièrement sa position, qui, par ce seul fait, de défensive peut devenir offensive, à l’égard de l’Angleterre et de la Russie. Mais, pour aider à

    dans toutes les langues du mot sklave ou slave, employé par les Allemands pour désigner leurs serfs en même temps que leurs vaincus. Aujourd’hui encore l’Angleterre n’a pour rendre l’idée de servitude d’autre expression que slave, slavery.