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LETTRES D’ORIENT.

teurs qui dominent la vallée, sur la route que nous venions de faire, nous avions eu dans le lointain une vue complète de la chaîne de l’Olympe, qui présente un front très étendu, chargé de nuages à son extrémité nord-ouest. C’est cette chaîne qui nous restait à traverser pour atteindre Brousse.

Au moment de quitter Azani, nous avions été sur le point de voir arrêter judiciairement nos surudjis ; ils avaient été dépistés par deux de leurs créanciers qui étaient venus d’Ouschak, leur pays, pour réclamer paiement. Mais l’aga du village, ayant eu connaissance du marché que nous avions fait avec les débiteurs pour notre transport, avait consenti à les laisser partir. Les créanciers prirent alors le parti de nous suivre, dans l’espoir d’être payés par nous à Brousse, sur le prix convenu avec les surudjis : nous les avons laissés dans cette douce illusion. Le fait est que nous-mêmes sommes en avance, parce qu’au départ de Smyrne nous avons fourni de quoi compléter l’achat du nombre de chevaux nécessaire, de telle sorte que les créanciers n’auront pas d’autre ressource, s’ils persistent à nous suivre à Constantinople, que de faire vendre quelques chevaux. Mais déjà l’un des créanciers, fatigué de courir avec nous dans les montagnes, a lâché prise, et je ne sais pas trop ce que l’autre est devenu aujourd’hui. Nous les avions pourtant laissés paisiblement s’installer dans notre troupe, manger et fumer avec nos gens.

Couvourla.

Nous avons quitté Tauchanleu assez tard dans la matinée. Vers midi il fut question de faire kief pour déjeuner, tout en envoyant nos bagages en avant pour ne point perdre de temps. Comme j’avais eu soin de me munir d’un pain, de deux oignons et d’un morceau de fromage, je me décidai à suivre les bagages et Méhémet, notre kawas, qui les accompagnait. Le reste de la troupe devait nous rejoindre assez promptement ; mais il en fut autrement. Le pays nous était inconnu, Méhémet n’avait pas pris des informations suffisantes, et tandis que ces messieurs se dirigeaient vers Couzourdja, l’étape convenue, Méhémet et moi, nous nous enfournions, avec les bagages, dans la chaîne de l’Olympe. J’allais toujours herborisant et admirant les magnifiques forêts de pins et de hêtres où nous étions entrés, lorsque nous nous trouvâmes séparés nous-mêmes des bagages. Méhémet s’aperçut enfin que nous étions égarés, dans la vallée la plus romantique, il est vrai, mais bien et duement égarés. Heureusement nous rencontrâmes un