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tait sur un présent. Nous nous sommes donc excusés avec d’autant plus d’empressement, que sans doute son dîner n’aurait pas valu le nôtre, ce qui n’est pas beaucoup dire.

Pambouk-Calessi (Hierapolis).

Après avoir franchi par un chemin assez facile le col qui sépare la vallée de Geyra de celle de Thavas dans l’ancienne Carie, nous sommes arrivés près de Kizildgi-Buluk, village composé de mauvaises huttes en terre et d’un aspect misérable, comme tous les autres ; nous l’évitons pour cause de peste, et nous allons coucher dans les dépendances d’une maison de campagne du pacha de Thavas, maison plantée au milieu d’une cour et sans jardin, du reste d’assez bon goût. Quelques grands arbres et une fontaine sont auprès ; il n’en faut pas davantage pour des Turcs, même de distinction. Le lendemain, nous étions partis avant le lever du soleil ; nous eûmes de nouveau l’occasion de remarquer combien dans ce climat l’aurore, comme le crépuscule, a peu de durée. Le jour y apparaît presque subitement et s’en va de même ; on est privé du charme de ces longs crépuscules que l’Orient peut envier à nos contrées ; en revanche, les nuits sont constamment d’une beauté incomparable.

Le col qui, de la vallée de Thavas, conduit dans celle du Lycus, où commence l’ancienne Phrygie, m’a fourni quelques plantes rares ; ces passages entre deux vallées offrent généralement une végétation très riche. À chaque pas, j’étais obligé de descendre de cheval ; heureusement notre caravane marchait assez lentement pour permettre à M. Saul et à moi de faire notre cueillette sans rester en arrière. Les montagnes sont bien boisées ; les pins y atteignent une taille plus élancée qu’ailleurs ; le sol est argileux et présente çà et là des effondremens pittoresques. L’abondance des eaux y est remarquable. Au milieu du jour, nous avons fait notre kief au bord d’un ruisseau ; mais nous y trouvâmes peu d’ombre. Si nous avions poussé à une lieue plus loin, nous nous serions reposés à la source abondante du Lycus, espèce de Vaucluse, sortant à flots pressés du flanc de la montagne sous de beaux platanes.

À partir de ce lieu, nous avons encore mis quatre grandes heures pour gagner Pambouk-Calessi (Hierapolis, ville sainte). Le chemin, après être sorti du défilé du Lycus (celui-là même où nous avons éprouvé 40 degrés centigrades de chaleur), passe auprès des ruines peu distinctes de Laodicée du Lycus, l’une des églises de l’Apocalypse,