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REVUE DES DEUX MONDES.

Geyra (Aphrodisias).

Nous étions vers midi au milieu des ruines de la ville antique d’Aphrodisias ; ce sont les plus belles que nous ayons encore vues. Il y a des portions de murailles bien conservées, un beau stade complet, des colonnades entières du temple de Vénus avec leurs chapiteaux et leurs frises. M. Texier, qui rentre à l’instant d’une première promenade aux ruines, est désolé de ce qu’on lui a enlevé un bas-relief qu’il avait beaucoup admiré à son dernier voyage ; il s’indigne que notre gouvernement, qui fait acheter à grands frais des objets d’art d’un mérite très contestable, laisse dépérir et disperser, sans en prendre sa part, tant de trésors répandus sur le sol de l’Asie mineure : il y a ici et à Magnésie du Méandre de quoi faire le plus beau musée du monde.

M. Texier avait beaucoup à faire à Geyra, pour mesurer et dessiner les restes du temple de Vénus et ceux du stade. Dix-huit colonnes du temple sont encore debout. Les alentours de cet édifice sont jonchés de sculptures du meilleur style ; on lit sur ces débris plusieurs inscriptions, une entre autres qui fait mention d’un don fait par Olympias, peut-être la mère d’Alexandre. Le marbre de ces fragmens est exploité journellement par un entrepreneur de tombeaux de la ville voisine de Karadja-Sou, et les morceaux les plus précieux périssent sous son ciseau barbare. Tel bas-relief représentant une danse de nymphes ou une chasse est destiné à prendre la forme d’un turban pour décorer, selon l’usage, la tombe de quelque croyant. Quel dommage ! La matière est si belle, que j’en ai ramassé un fragment dont je veux faire un presse-papier, en souvenir de l’antique Aphrodisias. Geyra recevait sans doute, à cause de son temple, un grand concours d’étrangers, à certaines époques de l’année, car le stade très bien conservé qu’on y voit encore est beaucoup plus vaste que ne le comporte l’étendue connue de la ville. Nous avons calculé que, comme à Claros, trente mille spectateurs au moins pouvaient prendre place sur les gradins. J’ai encore remarqué les restes d’un grand édifice que M. Texier croit avoir été un gymnase, et ceux d’un portique d’un goût charmant, encore composé d’un assez grand nombre de colonnes de marbre blanc, surmontées de tout leur appareil de chapiteaux, de frises, etc. En général, les proportions des colonnades de Geyra sont mignonnes ; on sent, pour ainsi dire, que la ville était consacrée à Vénus. Je