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REVUE. — CHRONIQUE.

pour qu’il soit appliqué dans toute sa portée et dans toute son étendue. Le gouvernement du roi, a dit M. Guizot, n’est dirigé « que par deux idées qu’il peut exprimer tout haut : l’une, c’est de contribuer à l’affermissement de la monarchie régulière, à la pacification du pays ; l’autre, c’est que, ne prétendant point à exercer en Espagne une influence exclusive, et certes nous l’avons assez témoigné en nous refusant à l’intervention quand on nous la demandait de toutes parts, nous avons aussi la prétention qu’aucune influence exclusive n’y soit exercée à nos dépens et contre nous. » Et comme s’il craignait que cette pensée ne fût pas au premier abord assez fortement saisie, le ministre y a insisté dans un second passage de son discours, en disant : « Il faut aujourd’hui travailler, autant qu’il appartient à un gouvernement étranger, à pacifier l’Espagne, à l’affermissement de sa monarchie, et en même temps empêcher en Espagne toute influence exclusive qui nuirait aux intérêts français, sans prétendre à exercer nous-mêmes une semblable influence ; voilà les deux règles de notre politique. »

Ces paroles si significatives dans la bouche d’un ministre des affaires étrangères parlant en public, devant un des grands pouvoirs du pays, ces paroles prouvent assez que nos observations sur les influences qui s’exerçaient en Espagne n’étaient point hasardées. Au surplus, nos remarques avaient déjà reçu une éclatante confirmation par les emportemens de quelques feuilles anglaises.

Il est, du reste, difficile de croire que lord Aberdeen tarde (peut-être l’a-t-il déjà fait) à donner des directions conformes à cette politique sage, équitable, conservatrice.

Il n’y aura qu’à se féliciter de voir les relations de l’Angleterre et de la France se rétablir partout sur le pied d’égalité qui seul convient à la dignité de ces deux grands pays. Sans vouloir faire ici de dithyrambe sur l’alliance anglo-française, sans vouloir dire que c’est là la seule alliance possible pour la France de juillet, nous reconnaissons sans peine ce que nous avons toujours proclamé, à savoir que cette alliance est conseillée par l’intérêt bien entendu des deux pays, et qu’elle peut seule assurer la paix du monde. Dès-lors tout ce qui pourra tendre à la resserrer, à la resserrer d’une manière équitable et sincère, nous paraîtra d’une bonne politique, et nous nous empresserons d’y applaudir, comme nous serons toujours prêts, toujours parfaitement décidés à signaler à l’attention du pays tous les faits qui nous paraîtraient contraires à sa dignité et à ses intérêts légitimes.

Arrivons à la question d’Orient. Quel que soit le talent de l’orateur, il est difficile de dire quelque chose de nouveau sur cette question. Elle a été épuisée par la presse, à la tribune, sous toutes les formes. Mais ce qui n’est pas nouveau en soi peut être cependant inattendu, frappant comme une nouveauté dans la bouche d’un ministre des affaires étrangères s’adressant au pays du haut de la tribune nationale.